Près de 3,5 millions d'enfants pakistanais pourraient souffrir d'infections transmises par l'eau si les secours ne sont pas accélérés, a averti hier l'ONU. Pour le moment, les pires inondations depuis 1929 n'ont pas déclenché d'épidémie de dysenterie ou de choléra. Mais les spécialistes craignent le pire.

«Les inondations ne causent pas le choléra», explique Thomas Conan, chef de mission pour Médecins sans frontières, en entrevue téléphonique de la zone sinistrée. «Mais les inondations facilitent sa transmission. Le Pakistan connaît chaque année des épidémies de choléra pendant la saison des pluies. Si elles avaient déjà commencé avant les inondations, le nombre de cas sera beaucoup plus grand que la normale.»

L'an dernier, MSF avait traité 5000 personnes infectées par le choléra au Pakistan. «Le taux de mortalité était faible, parce qu'on pouvait guérir les personnes rapidement. En ce moment, les gens sont grandement affaiblis, et surtout on ne peut pas les secourir rapidement. Les secours arrivent au compte-gouttes, il n'y a plus de routes, plus de ponts. S'il y avait ne serait-ce qu'un ou deux cas qui n'avaient pas été remarqués avant les inondations, le nombre de victimes pourrait être énorme.» Pour le moment, de 10% à 15% des 10 000 personnes traitées par MSF souffraient de diarrhée, mais aucune n'avait le choléra, selon M. Conan.

Selon l'AFP, le Pakistan n'avait toujours pas recensé hier de cas de choléra, même si l'ONU en avait annoncé un samedi. Un travailleur humanitaire a aussi indiqué à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat, avoir eu vent de plusieurs décès du choléra. L'OMS a recensé 36 000 cas de diarrhée aiguë et se prépare à soigner 140 000 personnes en cas d'épidémie de choléra.

Situation difficile

Les trois provinces touchées, où habitent 167 millions de personnes, forment des circonstances idéales pour la transmission des maladies hydriques, selon Bogdan Dumitru, vice-président aux programmes internationaux de Care. «Les puits d'eau potable sont bouchés par la boue, dit M. Dumitru en entrevue depuis le Pakistan. Il faudra des jours pour les remettre en état de marche, et seulement quand l'eau se sera écoulée des champs. D'habitude, dans des situations pareilles, il y a toutes sortes de transmission bactérienne par l'eau. Mais là, on parle d'une situation vraiment incroyable. Je n'ai jamais vu ça.»

Dans l'un des villages qu'a visités M. Dumitru, dans le nord montagneux du pays, un hôtel de 10 étages a été complètement balayé par les eaux. «Je n'ai jamais vu ça de ma vie. C'est bien pire que le tsunami. C'est un défi logistique énorme, 253 ponts et 360 routes sont complètement ou en partie impraticables.»

Parfois, des lueurs d'espoir scintillent. «Nous sommes allés dans un village au nord de Mindorat, chef-lieu de Swat, où l'an dernier il y avait eu des accrochages entre le gouvernement et les insurgés. Nous avons dû faire à pied les trois ou quatre dernières heures de route. Mais miraculeusement, la population locale était desservie par une clinique médicale mobile financée par le Canada, qui avait été mise en place pour les personnes déplacées par le conflit.»