En plus d'avoir jeté des millions de Pakistanais sur les routes, les inondations ont fait monter d'un cran la défiance, déjà forte, de la population à l'égard du fragile gouvernement, laissant redouter des émeutes, sous l'oeil intéressé des radicaux islamistes.

L'impact social des flots boueux qui ont inondé une partie du Pakistan à partir de la fin juillet s'annonce dévastateur pour un pays déjà en difficulté, dont un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Or la réponse du gouvernement et de la communauté internationale a semblé lente et dérisoire au regard de l'ampleur des destructions.

La colère contre l'impopulaire gouvernement du président Asif Ali Zardari, jugé corrompu et inefficace, est très vive dans les camps de fortune et le long des routes où la majorité des sinistrés attendent toujours nourriture et médicaments, voire un abri pour six millions d'entre eux, selon la dernière estimation de l'ONU.

Avant les inondations, la population se plaignait de fréquentes et interminables coupures d'électricité et d'une inflation galopante. Certaines zones sont désormais totalement privées d'électricité et les prix atteignent de nouveaux sommets, décuplant les frustrations.

À Muzaffargarh, l'un des districts les plus sinistrés du Sud-Pendjab, «les gens bloquent les routes, volent les camions d'aide alimentaire et dénoncent l'absence de secours», explique Jamshaid Dasti, responsable local du Parti du peuple du Pakistan (PPP), le mouvement de M. Zardari, en prévenant que «la situation pourrait devenir incontrôlable».

«Si on n'y prête pas attention, il y aura de grandes manifestations», abonde Qaiser Bengali, conseiller du gouvernement provincial du Sind. «Le pays est si fragile que le gouvernement peut être menacé au moindre mouvement social».

Le principal parti d'opposition, la Ligue Musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, est jusqu'ici resté discret. Mais il est au pouvoir au Pendjab, grenier à blé du pays et l'une des zones les plus dévastées par les inondations, et pourrait lui aussi se voir reprocher la gestion des secours, notent des analystes.

Islamistes

L'autre inquiétude, moins immédiate, concerne la façon dont les mouvements islamistes radicaux, dont les ONG sont très actives et souvent plus efficaces que le gouvernement sur le terrain, pourraient tirer profit de la situation pour élargir leur audience, à l'image du Hezbollah au Liban ou du Hamas à Gaza.

«À terme, cela peut conduire les gens à penser que les groupes religieux sont plus efficaces que l'État, et renforcer le pouvoir des mosquées et des madrasas (écoles coraniques)», explique Qaiser Bengali.

Les talibans, alliés à Al-Qaeda, pourraient ainsi profiter à terme de la misère pour infiltrer la population au-delà de leurs fiefs du nord-ouest, par exemple dans le Sud-Pendjab.

Plus de 3500 personnes ont été tuées en trois ans dans près de 400 attentats, suicide pour la plupart.

Évacuation

Par ailleurs, les autorités dans le sud du Pakistan continuaient d'évacuer hier une ville de 100 000 habitants près d'un mois après le début des inondations qui ont tué au moins 1500 personnes et fait des millions de sinistrés. Depuis samedi soir, les autorités s'emploient à faire évacuer préventivement la ville de Shahdadkot, dans la province méridionale du Sind, ainsi que les villages alentour affectés par les eaux.

«Nous essayons en ce moment de protéger Shahdadkot, menacée par les eaux» de petits affluents de l'Indus, dont les flots ont gonflé, a indiqué à l'AFP Jam Saïfullah Dharejo, ministre provincial de l'Irrigation.

«Il s'agit d'une mesure préventive», a-t-il précisé, ajoutant que, pour l'heure, les digues résistent. La population de la ville est estimée à 100 000 personnes.

Les inondations provoquées depuis un mois par des pluies de mousson d'une ampleur exceptionnelle ont affecté un cinquième du territoire pakistanais et 20 millions de personnes en ont souffert à divers degrés.

Aide internationale

Les promesses de dons de la communauté internationale pour aider le Pakistan dépassent maintenant les 815 millions de dollars, a annoncé hier le ministre des Affaires étrangères, Shah Mahmood Qureshi à des journalistes à Islamabad.

Ottawa égalera les dons des canadiens

Le gouvernement fédéral a annoncé hier matin qu'il versera au Pakistan l'équivalent de la somme amassée au sein de la population canadienne. Le leader du gouvernement à la Chambre des communes, John Baird, a promis d'égaler les dons de la population faits entre le 2 août et le 12 septembre. «Pour toute donnation admissible faite par les Canadiens aux organismes d'aide enregistrés au Canada et dédiés aux efforts de secours pour le Pakistan, le Canada fournira une contribution égale via le Fonds d'urgence pour les inondations au Pakistan», a annoncé M.Baird hier. - La Presse Canadienne