Certains Pakistanais sinistrés peuvent maintenant rentrer chez eux. Et ils constatent que le désastre annoncé s'est bel et bien produit, rapporte notre collaborateur sur le terrain. Les cultivateurs sont particulièrement touchés. Cela laisse présager une crise économique sans précédent.

Après le drame, c'est l'heure des comptes. L'eau commence tout juste à refluer dans le sud du Pakistan mais, dans le Nord-Ouest, elle s'est retirée depuis plusieurs jours. Les sinistrés rentrent chez eux et mesurent les dégâts.

Pour Abdul Jhafoor, le calcul est vite fait. «J'ai tout perdu», constate ce fermier de Garhi, un village à une vingtaine de kilomètres de Peshawar.

Le visage las, cet homme de 65 ans en paraît 10 de plus. «Quand la rivière est sortie de son lit, le maïs que je cultivais était prêt pour la moisson, raconte-t-il d'une voix lente. Les flots ont tout noyé. Mes réserves de blé ont pourri sous l'eau. Mon bétail - deux boeufs et une vache - est mort.»

Là où s'élevait sa maison, il n'y a plus qu'un terrain vague. Les murs de terre se sont écroulés sous l'effet de l'eau qui, en refluant, n'a laissé qu'une couche de boue. L'endroit empeste sous une chaleur de 40°.

«Il y a au moins 20 cm de boue sur mes deux hectares de champs, indique Abdul Jhafoor. On ne peut plus semer.»

À Garhi, où la population vit de l'agriculture, tout le monde est au chômage, mais le temps presse, car il faut préparer la récolte de l'an prochain.

Gul Haider, ouvrier agricole de 53 ans, n'y croit pas. Dépité, il observe le terrain en face de chez lui: une boue lourde a écrasé les cultures. Il faudrait une grue pour tout enlever.

«Ça va prendre des mois, gronde-t-il. Je ne vois pas comment on va y arriver. Les autorités sont absentes. Aucun élu n'est venu nous voir pour nous consoler et apporter une solution.»

Garhi n'est pas le seul village touché. Au Pakistan, les inondations ont noyé 1,7 million d'hectares de cultures.

Les canaux d'irrigation sont détruits, et les régions les plus sinistrées sont les greniers du pays.

À l'est, dans la province du Penjab, et au nord-ouest, dans la province de Khyber-Pakhtoonkhwa, les récoltes de blé, de riz, de coton, de maïs, de canne à sucre, de fruits et de légumes sont anéanties. C'est un désastre pour un pays où l'agriculture emploie 40% de la main-d'oeuvre et représente 20 % du PIB.

La survie du régime en jeu

La chute de la production va faire exploser le prix des aliments alors que l'inflation progresse déjà de 13% par an.

Pire, le textile, qui emploie 6,5 millions de personnes, dépend de la production de coton. Les inondations ayant tout dévasté, les exportations vont chuter alors qu'elles rapportaient 11 milliards de dollars américains par an. Une crise économique sans précédent se dessine, et ses effets vont se faire sentir pendant des années.

Pour s'en sortir, le gouvernement n'a que la communauté internationale comme dernier espoir. Car ce qui est en jeu, c'est la survie du régime démocratique du premier ministre Youssouf Raza Gilani, déjà fragile.

Depuis le début de la crise, les populations lui reprochent son inertie. La reconstruction lui offre une seconde chance. À Garhi, les habitants sont prêts à pardonner et personne ne se plaint. «Tous les jours, je prie Allah et je lui dis: "Tout ce qui arrive vient de toi et je l'accepte", confie Abdul Jhafoor. J'ai confiance en lui. Il va nous tendre la main.»