Une association de victimes de prêtres pédophiles catholiques a mené mardi un coup médiatique contre le Vatican, en déposant un dossier «pour crimes contre l'humanité» devant la Cour pénale internationale (CPI), une démarche essentiellement symbolique.

SNAP, association fondée aux États-Unis, a présenté une «requête de compétence juridictionnelle» auprès de la CPI. Selon les experts, cette démarche de l'association, qui ne correspond pas au dépôt d'une plainte mais à une «communication», n'a aucune chance d'aboutir.

Le procureur de la CPI ne peut ouvrir une enquête qu'à la demande d'un État ayant ratifié le Statut de Rome (instituant la CPI), du Conseil de sécurité des Nations unies ou de sa propre initiative. Il n'enquête pas contre des personnes mais sur des crimes.

Herman van der Wilt, professeur de droit international à l'Université d'Amsterdam, a souligné en outre qu'un crime contre l'humanité présuppose qu'il ait été perpétré par un État ou une organisation apparentée à un État.

Depuis l'entrée en fonction de la CPI en 2002 à La Haye, le bureau du procureur a reçu plus de 8000 «communications», sans qu'elles n'aboutissent.

Dans sa requête, SNAP accuse le pape Benoît XVI, le cardinal américain William Levada, qui lui a succédé à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 2005, le secrétaire d'État, l'Italien Tarcisio Bertone, et son prédécesseur Angelo Sodano, d'avoir «toléré et rendu possible le camouflage systématique de crimes sexuels contre des enfants».

Des membres de SNAP venant d'Allemagne, des États-Unis, des Pays-Bas et de Belgique -quatre pays touchés par le scandale pédophile dans l'Église- sont allés à La Haye déposer leur demande d'ouverture d'enquête visant le pape et les trois cardinaux «pour leur responsabilité directe en tant que supérieurs hiérarchiques».

L'organisation a aussi entrepris une tournée d'information qui la conduira à Amsterdam, Bruxelles, Berlin, Paris, Vienne, Londres, Dublin, Varsovie, Madrid et Rome, pour y «porter sa plainte aux portes du Vatican».

Interrogé, le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, n'a pas souhaité faire de commentaires.

Cette initiative s'inscrit dans une grande offensive de SNAP contre l'Église, alors que celle-ci, après avoir longtemps minimisé le scandale, a commencé à prendre des mesures de transparence et de rigueur depuis 2009.

Par le passé, des évêques, et, dans certains cas, le Vatican, ont rejeté ou négligé de nombreuses plaintes déposées par des victimes de prêtres et religieux pédophiles, mutant les coupables ou les protégeant.

Des milliers de victimes dans le monde se sont senties deux fois abusées: une première fois sexuellement, une deuxième fois moralement par l'Église qui ne reconnaissait pas leur souffrance.

Le scandale a discrédité l'Église dans plusieurs pays d'Europe, même si une très petite minorité de prêtres, pour beaucoup décédés aujourd'hui, a été déclarée coupable.

Benoît XVI a exprimé sa honte et demandé pardon. Il a exigé des évêques du monde entier, qui sont responsables de la conduite de leurs prêtres et que le Vatican a parfois du mal à gérer, une pleine collaboration avec les instances judiciaires pénales. Ils doivent d'ici mai prochain harmoniser leurs dispositifs de lutte.

Le Vatican a commencé à rendre publics des documents confidentiels et détaillés, par exemple à la demande du gouvernement irlandais, après le scandale pédophile dans ce pays.

SNAP ne croit pas à cette transparence, et n'a jamais modéré ses accusations, réagissant à chaque document du Vatican par un communiqué accusateur.

Des affaires de pédophilie, prises en main par de puissants cabinets d'avocats américains, ont conduit plusieurs diocèses américains à la faillite, en obtenant pour les victimes d'importants dommages et intérêts.