Sur le Champs-de-Mars, coeur symbolique de Port-au-Prince maintenant jonché de tentes, les gens courent partout en criant leur joie. À 18h20, heure locale, la victoire écrasante de Michel Martelly au deuxième tour de la présidentielle vient tout juste d'être annoncée et la satisfaction se lit sur le visage des gens, enfants et adultes confondus. Ils courent dans les allées du camp, puis dans la rue, en scandant «Tèt kale», le slogan de campagne de Michel Martelly.

«Nous avons besoin de changement, d'une vraie démocratie pour le peuple», dit Marie-Berne Casimir, 30 ans, tout sourire. «Il n'a jamais mangé dans la main du pouvoir», ajoute cette mère de famille monoparentale, en faisant allusion à la virginité politique du chanteur devenu politicien.

L'annonce préliminaire du résultat de l'élection présidentielle haïtienne, consacrant la victoire de Martelly avec 67,57% des voix (716 986 votes), n'a surpris personne en Haïti. La ferveur qu'a engendrée la campagne de Michel Martelly depuis trois mois était telle que le résultat de l'élection était connu de tous depuis le jour du vote le 20 mars dernier. Il ne restait plus qu'à savoir si les fraudes électorales, communes dans le pays, allaient faire pencher la balance autrement.

«S'il n'avait pas été nommé vainqueur, il y aurait eu de grosses manifestations au Cap demain», explique Larose Joseph, enfant de la rue de 16 ans vivant dans la deuxième ville en importance du pays, joint par La Presse.

Un sentiment partagé partout au pays.

La campagne électorale de Mirlande Manigat, qui a récolté 31,74% des suffrages (336 747 votes), n'a en effet jamais vraiment pris son envol. Elle n'a jamais pu changer l'image de bourgeoise éduquée qui lui a collé à la peau durant toute la campagne. À l'inverse, Martelly, principale victime des fraudes du premier tour, a su miser sur ce rôle de bête noire. L'élection de Martelly, plus connu pour ses bouffonneries et sa fougue scénique que son expérience politique, est un gigantesque pied de nez à toute la classe politique et l'establishment haïtien.

Dans toute la capitale, des fêtes ont été organisées «comme si c'était le 31 décembre», soulignait un habitant de Pétion-Ville, bastion de Martelly.

Le résultat définitif de l'élection présidentielle et législative sera annoncé le 16 avril prochain. D'ici là, les résultats préliminaires annoncés hier pourront être contestés par les candidats, mais, avec 36 points de pourcentage d'avance sur sa rivale, il est très peu probable de voir la victoire de Martelly remise en question.

Sans expérience politique, Martelly devra maintenant composer avec un Parlement dont son parti ne détient pas la majorité, selon les mêmes résultats préliminaires annoncés hier soir.