Les évènements sanglants survenus à Toulouse, où un jihadiste de 23 ans, Mohamed Merah, a été abattu jeudi après s'être reconnu coupable d'une vague de meurtres qui ont secoué le pays, risquent-ils de faire basculer la campagne présidentielle?

Jérôme Fourquet, qui est le directeur adjoint du département opinion publique de l'IFOP, l'une des principales firmes de sondage du pays, ne pense pas que le drame survenu dans le sud de la France va tout chambouler.

«Les évènements ont créé beaucoup d'émoi dans la population française. Ça ne veut pas dire pour autant qu'ils vont sensiblement modifier le comportement de l'électorat. Les gens savent faire la part des choses», estime l'analyste.

Les Français, dit-il, s'attendaient à ce que les candidats engagés dans l'élection présidentielle prennent la mesure de la gravité de la situation et se comportent conséquemment avec retenue en évitant toute tentative de récupération politique.

Le chef d'État en profite

Le président Nicolas Sarkozy, relève M. Fourquet, «n'en a pas ajouté outre mesure et a su éviter tout triomphalisme» dans ses interventions, tandis que le candidat socialiste François Hollande a conservé la hauteur de vue attendue.

Le chef d'État, poursuit l'analyste, pourrait profiter «à la marge» de la crise, parce qu'il a naturellement bénéficié d'une exposition médiatique beaucoup plus forte que les autres candidats, en raison de son rôle institutionnel. Aussi parce que le drame a ramené au premier plan la question de la sécurité, sur laquelle le politicien est jugé plus crédible que son adversaire socialiste.

Un sondage divulgué hier par la firme BVA indique que les deux principaux candidats sont à égalité au premier tour, Nicolas Sarkozy gagnant deux points de pourcentage. François Hollande conserverait une avance de l'ordre de huit points dans le deuxième tour, le chef d'État enregistrant là encore une hausse de deux points. Les répondants ont été interrogés mercredi et jeudi, alors que la crise suivait son cours à Toulouse.

«Quand on regarde les résultats de notre enquête, on a l'impression que les Français ont plutôt gardé la tête froide», a déclaré au quotidien Le Monde le directeur général de BVA, Gaël Sliman.

Mélenchon devant Le Pen

La principale surprise du sondage est la montée marquée du candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui serait passé pour la première fois devant la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, et le candidat centriste François Bayrou.

La politicienne d'extrême droite, qui avait réclamé une «guerre» contre le fondamentalisme à la suite de l'identification du tireur, ne «profite pas pour le moment des tragiques circonstances», a relevé M. Sliman.

Jérôme Fourquet estime que la progression de M. Mélenchon, déjà bien engagée avant le drame, semble confirmer que les évènements de Toulouse n'ont pas eu un effet dramatique sur les intentions de vote. Le candidat avait tenu un important rassemblement à Paris dimanche dernier.

Selon l'analyste d'IFOP, les questions économiques et sociales, qui dominaient la campagne avant que Mohamed Merah n'ouvre le feu sur une école juive lundi, devraient rapidement revenir au premier plan.

Hier, la question de la sécurité demeurait au coeur des débats. Le parti présidentiel accuse le camp socialiste d'avoir nié la «dangerosité» de l'intégrisme en France en s'opposant aux mesures législatives proposées par le gouvernement au cours des cinq dernières années pour lutter contre la criminalité. Les ténors socialistes critiquent pour leur part le bilan de la droite en matière de sécurité en relevant les ratés supposés des services de renseignements dans le suivi du jihadiste.