Le président français Nicolas Sarkozy a discrètement retiré une coûteuse montre offerte par sa femme lorsqu'il serrait la main de ses partisans sur la place de la Concorde, dimanche, ce qui a relancé les critiques d'adversaires qui lui reprochent d'être fasciné par le luxe et l'argent.

La chaîne i-Télé a diffusé dans la foulée du rassemblement une vidéo où l'on voit le chef d'État faire passer la montre dans sa poche tout en continuant à serrer des mains.

Plusieurs médias se sont demandé ensuite si le politicien craignait de se faire voler ou souhaitait plutôt dissimuler l'objet par crainte de susciter des railleries.

Le Nouvel Observateur, très souvent critique du chef d'État, a souligné avec ironie que la montre du candidat «du peuple» était un modèle de luxe Patek Philippe d'une valeur d'environ 55 000 euros (plus de 70 000$) qui lui a été offert par sa femme, l'ex-mannequin Carla Bruni.

Les réseaux sociaux se sont emparés de l'affaire. Un ancien magistrat, Philippe Bilger, a notamment relevé sur Twitter qu'il faut «tout de même une sacrée vulgarité enrobée d'aisance pour offrir une montre» d'un tel prix.

Quelques jours après le rassemblement, le chef d'État a expliqué pourquoi il avait retiré sa montre.

«C'est un cadeau de ma femme auquel je tiens. Le fermoir s'est ouvert parce que, évidemment, quand on arrive devant 120 000 personnes [...], on est un peu bousculé. Je ne voulais pas perdre un cadeau de ma femme, c'est tout», a-t-il déclaré.

Dans la première partie de son mandat, le chef d'État avait été bombardé de critiques en raison de son apparente affection pour le luxe. Ses détracteurs le traitaient de «président bling-bling» en référence à la bijouterie tapageuse portée par les rappeurs. Les critiques, récurrentes, portaient sur la soirée de fête tenue dans un établissement luxueux de Paris après sa victoire de 2007, ses vacances sur le yacht d'un riche industriel français ou encore son affection pour les montres Rolex. Il avait ensuite cessé de les porter pour faire taire les critiques.

Gregory Pons, un journaliste spécialisé établi en Suisse qui connaît bien le marché des montres, ne voit rien de répréhensible au fait que Nicolas Sarkozy ait porté une montre de luxe dimanche.

«C'est un cadeau de sa femme. Ce n'est pas de l'argent qui a été volé ou qui a été pris dans les coffres de la République [...]. Pour elle, payer une montre de 50 000, c'est comme pour vous payer une Swatch de 60 francs [suisses]», souligne-t-il en entrevue.

Politiciens discrets

Nombre d'hommes politiques, y compris à gauche, ont des collections, mais préfèrent se montrer discrets à ce sujet parce qu'il y a un «tabou», dit M. Pons, qui ne considère pas les Rolex comme faisant partie du «segment de luxe» du marché même si elles se détaillent entre 5000 et 7000 euros.

Les critiques «hypocrites» qu'on entend découlent, selon lui, de la «jalousie sociale qui a cours dans une société qui se veut égalitaire».

Qu'elle soit pertinente ou non, la question de la richesse et de l'affection, réelle ou supposée, pour le luxe apparaît particulièrement sensible pour les hommes politiques français dans le contexte de crise économique actuel.

Le climat explique en partie l'enthousiasme suscité par la proposition du candidat socialiste François Hollande de taxer à 75% les revenus excédant 1 million de dollars, une mesure «symbolique» qui ne toucherait que quelques milliers de contribuables.

Le président a déjà dénoncé à plusieurs reprises ce qu'il qualifie de sorte de «chasse aux sorcières» contre les riches menée par ses opposants politiques, dont M. Hollande. Il répète que la «gauche caviar» n'a pas de leçons de moralité à donner en matière d'argent.