Un calme précaire régnait mardi à Londres, alors que les effectifs policiers ont pratiquement été triplés pour mettre fin aux émeutes qui ont ravagé de nombreux quartiers de la capitale britannique depuis samedi. La vague de violence s'est toutefois poursuivie ailleurs au Royaume-Uni, où des incidents ont été signalés dans plus d'une dizaine de villes.

Depuis le début des émeutes, samedi, les différents corps policiers britanniques ont arrêté plus de 1100 personnes, selon une compilation de La Presse.

Mardi, les émeutiers ont principalement sévi dans la région de Manchester, à 340 km au nord de Londres, où des groupes de 100 à 200 personnes se sont formés, selon la police locale. Un groupe s'est attaqué aux commerces du centre-ville, dont plusieurs ont été incendiés et saccagés. La même chose s'est produite dans la ville voisine de Salford, où plusieurs véhicules ont également été incendiés.

«Nous ne laisserons pas passer cette violence gratuite sans la punir. Nous allons arrêter et amener devant les tribunaux toute personne impliquée dans les émeutes», a déclaré mardi soir le chef adjoint de la police du Grand Manchester, Terry Sweeney. Une cinquantaine de personnes avaient été arrêtées, mardi soir, au moment de mettre en ligne.

Des émeutes ont également perturbé la région de Birmingham, même si la police antiémeute avait été déployée de façon préventive dans plusieurs secteurs, notamment autour d'un centre commercial, The Mailbox, connu pour ses boutiques de luxe. La police locale affirme avoir arrêté 229 personnes depuis deux jours.

Pour tenter de freiner les émeutiers, toute circulation a été interdite durant la nuit sur une demi-douzaine d'artères desservant West Bromwich, une banlieue multiethnique. Même les services d'autobus ont été interrompus.

À Wolverhampton, 87 personnes ont été arrêtées durant la journée. Des incidents ont également été signalés mardi soir à Leicester, Liverpool, Gloucester et Milton Keynes. À Nottingham, un groupe de jeunes hommes a incendié un poste de police à l'aide de cocktails Molotov.

Signe de la tangente violente qu'ont prise les événements, les émeutiers ont commencé à s'en prendre à de simples passants. Un jeune homme de 26 ans a été trouvé mort dans le secteur de Croydon, au sud de Londres, tué par balle. Un homme dans la quarantaine se trouve quant à lui entre la vie et la mort après avoir été sauvagement battu par un groupe de jeunes dans le secteur d'Ealing, dans l'ouest de la capitale. La BBC a également diffusé des images d'un jeune homme blessé au visage qui s'est fait détrousser par les gens venus lui porter assistance.

Renforts à Londres

Plus de 16 000 policiers ont été déployés dans les rues de Londres, mardi soir, alors qu'ils étaient 6000 la veille. Tous les congés ont été annulés, des retraités ont été rappelés et une trentaine de corps policiers de la région ont envoyé une partie de leurs agents dans la capitale.

Ces renforts font suite à la nuit particulièrement mouvementée de lundi à mardi. Près de 21 000 appels ont été reçus par le 999 - les services d'urgence locaux -, soit quatre fois plus qu'une soirée normale.

La police de Londres affirme avoir arrêté 685 personnes depuis le début des émeutes. Du nombre, 111 ont déjà été accusées, principalement de vol.

Au moins 111 policiers de Londres ont été blessés dans les affrontements depuis samedi. Plusieurs ont subi des fractures, tandis que certains ont été atteints aux yeux par des éclats de verre. Dans un incident particulièrement violent, deux agents ont été battus par un groupe d'une centaine d'émeutiers alors qu'ils tentaient de mettre fin au saccage d'une épicerie Tesco, une importante chaîne alimentaire au Royaume-Uni.

Lors d'un point de presse devant sa résidence du 10, Downing Street, le premier ministre britannique David Cameron a condamné avec force les émeutes, qualifiant d'«écoeurantes» les images qui passent en boucle à la télévision. «C'est de la criminalité pure et simple, et nous devons l'affronter et la vaincre, a-t-il lancé. Le feu a jeté à la rue de nombreuses personnes, des commerces se sont fait vandaliser, voler leurs produits. La vie de ces gens est probablement ruinée.»

David Cameron a prévenu les émeutiers: «Si vous êtes assez vieux pour commettre ces crimes, vous êtes assez vieux pour être punis.» Le premier ministre, qui a lui-même interrompu ses vacances, a convoqué d'urgence le Parlement britannique demain, une mesure rare généralement utilisée pour autoriser des opérations militaires. Pour l'instant, toutefois, le gouvernement britannique se refuserait à appeler ses soldats en renfort.

Par contre, la Metropolitan Police (MET) de Londres, qui a promis une réponse «robuste» à toute nouvelle émeute, pourrait utiliser des balles de caoutchouc pour disperser les émeutiers. Couramment utilisées en Irlande du Nord, elles n'ont jamais été employées en Angleterre, s'est émue la presse britannique.

Ces troubles secouant tout le Royaume-Uni ont débuté à la suite de la mort de Mark Duggan, 29 ans, tué par des policiers jeudi dernier, à Londres. Les enquêteurs de la Commission indépendante des plaintes contre la police ont déterminé que Duggan avait été blessé mortellement par deux balles tirées par un policier. Un pistolet chargé a été trouvé à l'intérieur du taxi qu'il occupait, mais il n'aurait pas été utilisé. Même si la mobilisation générale des policiers a été décrétée dans la capitale, les agents impliqués dans l'arrestation de Duggan sont toujours suspendus.

Réseaux sociaux surveillés

Pour éviter que les émeutes se répandent davantage, la police surveille étroitement les réseaux sociaux. Ainsi, dans l'est du pays, un adolescent de 17 ans a été arrêté à Essex après avoir invité sur Facebook des connaissances à se regrouper pour lancer une émeute. La police de Manchester a aussi arrêté un jeune qui tentait d'organiser un rassemblement.

En soirée mardi, la firme BlackBerry s'est dite prête à «aider les autorités de toutes les façons possibles» après s'être fait montrer du doigt par la presse britannique. Plusieurs médias ont dénoncé l'incapacité des forces policières à surveiller les échanges entre les usagers de ce service de téléphonie.

Mécontents de l'intervention policière au cours des premiers jours, des groupes de citoyens se sont formés dans certains quartiers saccagés pour bloquer la voie à de nouvelles émeutes. Une centaine de personnes se sont ainsi rassemblées dans Enfield pour patrouiller ce secteur du nord de Londres, durement touché dimanche soir. Un groupe d'extrême-droite, la English Defense League, a d'ailleurs annoncé qu'un millier de ses membres descendraient dans les rues de plusieurs grandes villes pour tenter de freiner les émeutiers.

Signe révélateur, les ventes de matraques et de bâtons de baseball étaient en forte hausse au Royaume-Uni. Le site de vente Amazon.co.uk a signalé une hausse de 7000% de ses ventes de matraques. Les ventes de battes de baseball en aluminium ont quant à elles augmenté de 5700% et celles des battes en bois, de 3000%.

Les émeutes ont également forcé l'annulation d'un important match de soccer entre l'Angleterre et les Pays-Bas. «Comme le coup d'envoi devait avoir lieu à l'heure où les émeutes ont débuté, nous avons conseillé à l'Association anglaise de football d'annuler. Nous n'avons pas besoin de 80 000 personnes de plus dans nos rues ce soir», a indiqué la MET dans un communiqué.

- Avec la BBC, The Guardian, AP