Les émeutes ont tourné au drame dans la seconde ville de l'Angleterre. Les communautés pakistanaise et afro-caribéenne sont à couteaux tirés à la suite du meurtre de trois jeunes hommes dans la nuit de mardi à hier.

Les jeunes musulmans de Winson Green, quartier multiethnique de Birmingham, avaient les yeux exorbités, hier. Par le jeûne du ramadan, certes. Mais surtout par la colère.

Dans la nuit de mardi à hier, une automobile a foncé sur trois de leurs «frères», Haroon Jahan, Shahzad Ali et Abdul Musavir, qui tentaient de protéger leur commerce, rue Dudley, où se côtoient mosquées, boutiques de saris et restaurants jamaïcains.

Selon les témoignages, les trois hommes ont été projetés dans les airs lors de l'impact. Deux d'entre eux sont morts sur le coup. Le troisième est mort à l'hôpital, hier matin, pendant que 200 membres de sa communauté patientaient à l'extérieur de l'établissement.

Un homme de 32 ans a été arrêté par la police.

Mais le drame a exacerbé les tensions entre les Britanniques d'origine pakistanaise et afro-caribéenne. La ville de Birmingham a déjà été le théâtre d'affrontements entre les deux communautés dans les années 80, et plus récemment en 2005.

Des amis des victimes ont dit à La Presse que les occupants du véhicule suspect étaient noirs.

«Les Noirs n'ont aucun respect pour nous, dit Mohamed Abdul Qadir, 30 ans. Ils nous volent, ils roulent à toute vitesse dans nos rues avec des automobiles sans plaque d'immatriculation.»

Une dame l'interrompt en criant en direction d'un groupe d'hommes près de nous. «Surveillez vos arrières!», a-t-elle lancé avant de retourner dans son véhicule.

«Vous avez entendu ça? demande le jeune père de famille, tout vêtu de noir. Si la police ne fait pas son travail ce soir, cinq Nègres vont tomber demain. Nous n'avons pas peur, nous sommes plus nombreux qu'eux.»

Échauffourées

Des centaines de jeunes musulmans, coiffés de casquettes ou de calots de prière, discutaient à voix basse devant les maisons des familles endeuillées. Les Afro-Caribéens étaient rares dans les rues désertes, et certains rebroussaient chemin à la vue des hommes barbus.

Junior Spencer, ses cheveux tressés à l'africaine, n'était pas intimidé. «Les gens sont en train d'en faire une affaire de races, dit-il. Moi, j'ai des amis pakistanais. Ce sont des gens de l'extérieur qui foutent le trouble.»

Le père de l'une des victimes, Tariq Jahan, a tenté de calmer le jeu à plusieurs reprises au cours de la journée.

«Calmez-vous, a-t-il tonné en soirée, alors qu'une dispute éclatait entre une femme et de jeunes hommes. Noirs, Orientaux, Blancs, nous vivons tous dans la même communauté. Pourquoi devrions-nous nous entretuer?»

Des Anglo-Pakistanais se sont ensuite retournés contre des policiers, à qui ils reprochent d'avoir abandonné le quartier défavorisé aux mains des voyous la nuit précédente.

«Nos frères sont morts parce que vous n'avez pas fait votre travail, dit Mohamed Ansar, tremblant de colère, à un agent. Où étiez-vous hier soir?»

Prières à la chandelle

La soirée s'est malgré tout terminée dans le calme à Winson Green et ailleurs dans la ville. Une veillée de prière à la chandelle s'est déroulée sans heurts.

Les policiers étaient au nombre de 1200 dans Birmingham hier soir, soit le double de la nuit précédente.

Malgré cette accalmie, des résidants redoutent l'impact à long terme de cette dernière flambée de violence. Casey Rain, journaliste et artiste, avait observé dernièrement une recrudescence des tensions raciales.

«Malgré les grands discours sur le multiculturalisme, il n'y a pas de cohésion sociale dans notre quartier, et ce drame risque d'entraîner d'autres émeutes raciales», dit le jeune homme, dont le père est pakistanais et la mère, anglaise.