Le premier ministre britannique s'est présenté hier comme l'homme fort du pays. Il s'est engagé à lutter contre les gangs criminels et n'a pas écarté la possibilité de recourir à l'armée si de nouvelles émeutes surviennent. Pendant ce temps, le chaos régnait dans les tribunaux où ont défilé des suspects au profil étonnant. Et les actes de bravoure des justiciers improvisés ont fait la fierté des communautés turque et sikhe de Londres.

«Nous vous traquerons et nous vous punirons.» David Cameron a lancé cet avertissement hier aux émeutiers qui ont semé le chaos et la peur en Angleterre de samedi à mardi derniers. Le premier ministre a annoncé une série de mesures musclées qui prévoient notamment de restreindre l'accès d'usagers malintentionnés aux réseaux sociaux et d'autoriser les policiers à démasquer des gens cagoulés.

L'armée pourrait être appelée en renfort si d'autres émeutes éclatent, a-t-il affirmé lors de la séance extraordinaire qu'il avait convoquée d'urgence au Parlement.

«Toutes les options doivent être sur la table, y compris celle de déléguer des tâches à l'armée pour assurer un nombre suffisant de policiers sur la ligne de front», a-t-il déclaré devant une Chambre des communes comble.

De plus, la lutte contre les gangs criminels est la nouvelle «priorité nationale». David Cameron compte rencontrer Bill Bratton, ancien chef de police de New York et de Los Angeles et pionnier de l'approche «tolérance zéro».

Le conservateur Ian Dale, pendant britannique de l'animateur de radio Rush Limbaugh, a souhaité à son émission que Bill Bratton obtienne le poste de chef de Scotland Yard, vacant depuis l'affaire Murdoch.

Environ 6% des jeunes Britanniques font partie d'un gang, a affirmé hier la ministre de l'Intérieur, Theresa May.

Hier à Tottenham, où tout a commencé samedi dernier, la déclaration de David Cameron selon laquelle c'est la «culture des gangs» qui est à la source du problème faisait ricaner bien des gens.

«Tout le monde était impliqué: des adultes, des jeunes, des travailleurs, des chômeurs, dit Yoseph Kelly, 19 ans, qui a été témoin du vandalisme. David Cameron ne comprend rien à notre situation.»

Le chômage, les coupes dans les services sociaux et les inégalités sociales sont la cause de la vague d'émeutes, selon Chris Allen, professeur à l'Université de Birmingham. «Le fossé s'agrandit entre les riches et les pauvres. On ne peut enlever cette réalité de l'équation», explique l'expert en sciences sociales.

Seulement 8% des Britanniques croient que les mesures d'austérité ont provoqué les émeutes, selon un sondage YouGov.

Assistés sociaux punis

Autre mesure punitive proposée par David Cameron: l'éviction des locataires malhonnêtes des logements sociaux.

Cette politique du bâton est en phase avec une pétition qui fait tache d'huile sur l'internet. Les 100 000 signataires suggèrent de priver de leurs prestations les assistés sociaux qui ont participé aux émeutes. Downing Street y songe.

Coral Maison, travailleuse sociale de Tottenham, est horrifiée: «Pourquoi punir les parents pour ce qu'ont fait leurs enfants? Où iront-ils s'ils perdent leur logement? Ce serait les pousser à la rue», affirme la dame de 46 ans, rencontrée hier soir.

Même s'il a salué les policiers qui ont travaillé «sans relâche» cette semaine, David Cameron a concédé devant les parlementaires que leurs tactiques avaient échoué.

Beaucoup de victimes des pillages et des incendies ont dénoncé l'inaction des policiers cette semaine. Des commerçants ont été obligés de défendre eux-mêmes leurs établissements. C'est ainsi que trois hommes sont morts, dans la nuit de mardi, à Birmingham.

Le sous-commissaire adjoint de Scotland Yard, Steven Kavanagh, a expliqué qu'il avait manqué d'hommes pour faire face à l'ampleur des événements. Des agents sont venus d'aussi loin que du pays de Galles pour renforcer les effectifs de la capitale.

Malgré les protestations de la Fédération policière, du maire de Londres, Boris Johnson, et du Parti travailliste, des coupes de 3,2 milliards de dollars en quatre ans dans le budget de Scotland Yard iront de l'avant, a insisté le gouvernement conservateur.

Tribunaux débordés

Les tribunaux où défilent les émeutiers sont littéralement débordés depuis mercredi. À celui de Westminster, à Londres, de 50 à 60 personnes ont comparu dans la nuit de mercredi à hier, selon un avocat cité par l'AFP. À ce jour, 1500 personnes ont été arrêtées au pays, dont plus de 900 dans la capitale.

Les profils des suspects sont très variés: il y a beaucoup d'adolescents et d'étudiants, mais aussi un chef d'entreprise, un salarié d'une organisation caritative, un facteur et... la fille d'un millionnaire! Laura Johnson, première de classe et fille d'un riche homme d'affaires, est accusée d'avoir volé des appareils électroniques d'une valeur de 8000$.

Les plus jeunes personnes à s'être présentées devant un juge étaient âgées de 11 ans.

Preuve que les émeutes n'ont pas fait que des dégâts matériels, des Londoniens, comme Francesca Pagnacco, ont dorénavant peur des enfants. «Avant, je n'hésitais pas à sermonner les petits délinquants dans la rue. Maintenant, je n'oserais jamais», dit l'architecte web de 43 ans.