Pour David Cameron, les gangs sont à l'origine des émeutes de la semaine dernière. Son embauche de l'ancien chef de police de New York et de Los Angeles pour mater les gangs de Londres soulève cependant beaucoup de scepticisme. Les policiers britanniques, qui ne portent toujours pas d'armes à feu, sont-ils prêts pour le pionnier de la «tolérance zéro» ?

Avec son regard bleu acier et ses cheveux plus sel que poivre, Bill Bratton a une gueule d'acteur vieillissant à la Robert Duval. Son visage est bien connu des habitants de New York et Los Angeles, où l'ancien chef de police a fait fléchir le taux de criminalité dans les années 90 et 2000.

Il le sera aussi bientôt pour les Londoniens. Le «superflic» est le nouveau consultant de David Cameron pour venir à bout des gangs de la capitale, au nombre d'environ 200.

L'homme de 63 ans, qui a été honoré par la reine Élisabeth en 2009, est le champion de la politique des «vitres cassées». Selon ce remède de cheval, les petites infractions, comme le vandalisme, sont punies de peines de prison afin de freiner la spirale de la criminalité.

«Les gens doivent comprendre très tôt qu'un comportement antisocial ne sera pas toléré», a expliqué Bill Bratton au Daily Telegraph.

David Gustave, qui travaille auprès de jeunes délinquants à Londres, croit que cette stratégie peut avoir un effet pervers. «Les prisons sont en quelque sorte des écoles de crime et le taux de récidive est énorme», a dit à La Presse l'intervenant de Kids Company.

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Les faits d'armes de Bill Bratton, qui prône également un plus grand contrôle sur les déplacements des membres des gangs, sont toutefois indéniables.

Alors qu'il était le bras armé du maire new-yorkais Rudolph Giuliani, de 1994 à 1996, le nombre d'homicides a chuté de 50%. À la suite de son arrivée à la tête du LAPD en 2002, le taux de criminalité a baissé pendant six années consécutives.

David Cameron voudrait que Bill Bratton répète le même succès à Londres comme chef de Scotland Yard, un poste laissé vacant par l'affaire Murdoch. La ministre de l'Intérieur, Theresa May, s'est toutefois fermement opposée à l'embauche d'un étranger.

Des bobbies armés?

Aux yeux de l'opposition politique et des policiers britanniques, la décision de David Cameron est trop précipitée.

Après tout, le modèle américain peut-il faire bon ménage avec une police non armée, sauf pour ses unités spéciales?

«Les tactiques policières américaines et leur niveau de violence sont fondamentalement différents des nôtres», a dit Hugh Orde, président de l'Association des commissaires de police.

David Cameron semble cependant en phase avec l'opinion publique. Un Britannique sur trois aurait aimé que les bobbies soient armés de fusils pour maîtriser les émeutiers, selon la firme YouGov.

Le premier ministre devrait davantage écouter les jeunes que les résultats des sondages, croit toutefois l'intervenant David Gustave. «Bien sûr qu'il faut punir les jeunes contrevenants. Mais nous avons besoin d'un véritable débat sur notre façon de traiter les enfants dans ce pays», dit-il.

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D'un «effondrement moral» aux émeutes?

Le premier ministre britannique David Cameron a promis hier de réexaminer l'attribution des prestations sociales et de mener une «guerre totale» contre les gangs, en réponse aux émeutes de la semaine dernière, qu'il a attribuées à un «effondrement moral» de la société. «Les problèmes sociaux qui couvent depuis des décennies nous ont explosé au visage», a affirmé M. Cameron, dénonçant «l'effondrement moral à petit feu» de la société britannique et accusant pêle-mêle «les enfants sans père, les écoles sans discipline, les récompenses accordées sans effort». Le premier ministre conservateur, qui multiplie depuis près d'une semaine les interventions, a aussi montré du doigt l'État qui a «toléré, encouragé parfois, certains des pires aspects de la nature humaine». -  AFP