L'Iowa est le centre de l'univers, à en juger par l'intérêt que Fox News porte ces jours-ci à cet État rural du Midwest, dont les caucus du 3 janvier lanceront le processus de sélection du candidat républicain à la présidence des États-Unis.

Mais les résultats de ce scrutin ne voudront rien dire si un certain Ron Paul en sort gagnant, ne cessent de répéter les animateurs de la chaîne d'information de Rupert Murdoch, dont l'allégeance au Parti républicain ne fait pas de doute.

«Cela discréditera les caucus d'Iowa», a déclaré Chris Wallace en faisant référence à une victoire éventuelle du représentant du Texas, qui recueille 21% des intentions de vote dans cet État, selon un sondage publié la semaine dernière, contre 22% pour le meneur, Newt Gingrich, et 16% pour le détenteur de la troisième place, Mitt Romney.

«Il ne remportera pas l'investiture», a tranché de son côté Bill O'Reilly, rejetant d'emblée la possibilité qu'un triomphe en Iowa puisse lancer Ron Paul en orbite et lui permettre de surprendre le monde politique en 2012.

Les animateurs de Fox News ne sont pas les seuls représentants du commentariat conservateur à traiter avec un certain mépris le gynécologue-obstétricien de profession, qui en est à sa troisième campagne présidentielle (il a brigué l'investiture républicaine en 2008 et la Maison-Blanche en 1988 sous la bannière du Parti libertarien).

L'hebdomadaire National Review a donné un bel exemple de cette attitude la semaine dernière en réglant le cas de Ron Paul en une seule phrase dans un éditorial recommandant aux républicains de choisir Mitt Romney comme candidat présidentiel: «Le fait que le représentant ait de nouveau flirté avec de viles théories de complot au sujet du 11-Septembre est un rappel que les excès du mouvement qu'il incarne participent en fait de son essence.»

L'hebdomadaire faisait référence à une déclaration récente de Ron Paul selon laquelle les attentats du 11 septembre 2001 avaient suscité la «joie» au sein de l'administration Bush, qui se réjouissait à son avis d'avoir trouvé le prétexte qu'elle cherchait pour envahir l'Irak.

L'allégation du représentant texan est certes discutable, voire condamnable. Mais la National Review a sans doute tort de réduire les partisans du candidat de 76 ans à une bande de «truthers», ces théoriciens du complot qui rejettent la version officielle des attentats du 11-Septembre.

En Iowa, comme ailleurs aux États-Unis, Ron Paul peut compter sur des partisans loyaux et divers, y compris des étudiants universitaires attirés par sa position antiguerre et son désir de mettre fin à la prohibition de la marijuana, des conservateurs populistes séduits par ses critiques de Wall Street et de la Réserve fédérale et des militants du Tea Party qui épousent son credo en faveur d'un gouvernement réduit à sa plus simple expression.

Vérités qui dérangent

Il ne fait pas de doute que la plupart des républicains rejettent plusieurs des positions de Ron Paul. Mais les opinions du Texan en matière de politique étrangère expliquent en grande partie l'hostilité que lui manifeste l'establishment politique et médiatique conservateur.

Des opinions qui lui font répéter que les politiques américaines au Moyen-Orient ont contribué aux attentats du 11 septembre 2001 (toute vérité n'est pas bonne à dire au sein du Parti républicain). Des opinions qui lui font également écarter tout scénario militaire pour empêcher l'Iran d'acquérir l'arme atomique.

«Vous savez ce qui me fait vraiment peur?», a déclaré Ron Paul lors d'un débat tenu en Iowa jeudi dernier entre les prétendants républicains à la présidence. «J'ai peur d'un autre Irak. La propagande de guerre est de retour. Pour moi, le plus grand danger est que nous ayons un président qui réagira de manière excessive.»

Cette déclaration a fait dire à l'animateur de radio conservateur Rush Limbaugh que la position de Ron Paul vis-à-vis de l'Iran était «à gauche de celle d'Obama».

Mais Ron Paul ne pourra jamais être accusé d'être une girouette politique ou un adepte de la langue de bois. Lors d'une apparition au talk-show de Jay Leno au lendemain du débat d'Iowa, il a été invité à dire ce qu'il pensait de la représentante du Minnesota Michele Bachmann, qui avait vivement condamné sa position sur l'Iran.

«Elle n'aime pas les musulmans, elle les hait, elle veut en découdre avec eux», a-t-il répondu en ne se départant pas de son air bonhomme.