Mille affamés par jour continuent d'arriver à Dadaab, au Kenya, le plus grand camp de réfugiés au monde. La famine dans la Corne de l'Afrique, loin d'être résolue, est le reflet aigu des menaces à la sécurité alimentaire mondiale, selon David Morley, président et chef de la direction d'UNICEF Canada.

Avant de s'envoler vers Dadaab samedi, M.Morley lance cet après-midi la 4e Conférence sur la sécurité alimentaire mondiale de McGill. La Presse l'a joint hier à Toronto.

«La crise dans la Corne de l'Afrique est actuellement la plus grave au monde», a indiqué M.Morley. Plus de 13,3 millions de personnes ont besoin d'une aide essentielle à leur survie au Kenya, en Somalie, en Éthiopie et à Djibouti, à cause de la sécheresse, d'un conflit et de la hausse du prix des aliments, rapporte l'UNICEF. Dans les régions touchées par la famine, près de 10% des enfants de moins de cinq ans meurent chaque trimestre.

L'UNICEF est pourtant présente depuis longtemps en Somalie. «C'est difficile de vivre cette famine, malgré 40 ans de travail», a reconnu M.Morley. Mais sans paix, «il est très difficile de bâtir une société, ce qui est pour moi une grande frustration», a-t-il dit. La situation humanitaire moins critique en Éthiopie et au Kenya, malgré la sécheresse, prouve que le développement communautaire qui s'y fait porte ses fruits, a-t-il fait valoir.

La Corne de l'Afrique espère en ce moment les pluies d'automne, qui doivent tomber en octobre et novembre. «Nous devrons continuer de donner du soutien d'urgence jusqu'en mars ou avril, parce que les récoltes ne pourront être faites avant», prévoit M.Morley. Il craint un manque de fonds dès janvier.

«Mais je ne sens pas la fatigue des donateurs, dont certains parlent», a-t-il dit. Depuis juillet, UNICEF Canada a reçu 11 millions en dons du public et du gouvernement. «Franchement, les Canadiens et les Québécois ont été plus généreux que je l'espérais», a indiqué M.Morley.

N'entrevoit-il pas un «certain sentiment de découragement», abordé par Yves Daccord, directeur général du Comité international de la Croix-Rouge, dans une récente entrevue au Devoir? «Peut-être que je suis fou, mais je suis optimiste, a répondu M.Morley. Un collègue qui travaille dans le camp de Dadaab m'a parlé de la solidarité entre les Somaliens, qui lui a donné beaucoup d'espoir, pas de découragement.»

Sonner l'alarme plus tôt

Son seul regret: ne pas avoir attiré l'attention plus tôt sur la famine qui s'annonçait. «Depuis janvier, nous craignions que cela arrive, a reconnu M.Morley. Mais pour déclarer officiellement une famine, il faut que 30% des enfants souffrent de malnutrition aiguë. Nous ne pouvions le faire avant juillet. Aurions-nous pu mieux utiliser les médias sociaux, Facebook? Nous avons essayé, mais personne n'écoutait. C'est assurément frustrant.»