Malgré la volonté affichée de l'administration Obama de relancer les relations entre Washington et Moscou, les États-Unis n'entretiennent pas de grands espoirs concernant la démocratisation de la Russie, dont les dirigeants ne leur inspirent guère confiance.

C'est la conclusion qui s'impose à la lecture de télégrammes diplomatiques américains obtenus par le site WikiLeaks et divulgués mercredi par le New York Times et le Guardian, entre autres journaux.

Dans ces documents, les diplomates américains en poste à Moscou décrivent la Russie de Vladimir Poutine comme un pays hypercentralisé, parfois brutal et irrémédiablement corrompu. Face à un système dont les méthodes sont quasi mafieuses, la population adopterait une attitude de résignation.

«Les Russes semblent accepter le niveau actuel de corruption et semblent enclins à payer ou à émigrer, plutôt qu'à protester», peut-on lire dans un des câbles.

Tout président soit-il, Dmitri Medvedev n'est que le «Robin du Batman joué par Poutine», écrit un diplomate américain dans un télégramme. Un autre câble cite un commentaire du secrétaire à la Défense américain Robert Gates, selon lequel «la démocratie russe a disparu» et a cédé la place à «une oligarchie dirigée par les services de sécurité».

Répondant aux critiques américaines lors d'une entrevue diffusée mercredi soir dans le cadre de l'émission de Larry King à CNN, Vladimir Poutine a invité les États-Unis à se préoccuper de leurs propres problèmes.

«Lorsque nous expliquons à nos amis américains qu'il existe des problèmes systémiques concernant (le système politique américain), ils nous disent: "Ne vous mêlez pas de nos affaires". Nous ne nous en mêlons pas. Mais, chers collègues, je souhaite vous avertir que vous n'avez pas à vous mêler du choix souverain du peuple russe», a-t-il ajouté.

De toute évidence, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton aurait intérêt à mener auprès de l'homme fort de Moscou l'opération de charme à laquelle elle s'est prêtée mercredi. Profitant d'un sommet de l'OSCE au Kazakhstan, elle a en effet exprimé à plusieurs dirigeants étrangers ses regrets pour les fuites de WikiLeaks.

La chef de la diplomatie américaine a notamment abordé ce sujet avec la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre italien Silvio Berlusconi, le ministre russe des Affaires étrangères Sergeï Lavrov et le président géorgien Mikhaïl Saakachvili.

Silvio Berlusconi est sans doute le dirigeant étranger qui avait le plus besoin d'être amadoué. Les télégrammes diplomatiques américains le décrivent notamment comme un fêtard «irresponsable, imbu de lui-même et inefficace en tant que dirigeant européen moderne». Mercredi, Hillary Clinton a fait entendre un tout autre son de cloche, affirmant devant les journalistes que les États-Unis n'avaient «pas de meilleur ami» que lui.

«Personne ne soutient les politiques américaines avec autant de constance», a-t-elle ajouté.

Pendant qu'Hillary Clinton tentait de panser ainsi les plaies occasionnées par la publication des câbles diplomatiques américains, Barack Obama confiait à un haut responsable de la lutte antiterroriste, Russell Travers, la responsabilité d'empêcher de nouvelles fuites de documents confidentiels de l'administration américaine.

Les médias n'ont publié qu'une fraction des 250 000 télégrammes confidentiels obtenus par WikiLeaks.

La traque d'Assange

Interpol a confirmé hier que le fondateur du site WikiLeaks Julian Assange fait l'objet depuis le 20 novembre dernier d'une notice rouge transmise aux 188 pays membres de l'agence. Assange est recherché par les autorités suédoises dans une affaire de viol et agression sexuelle. Même s'ils n'ont formulé aucune accusation à l'encontre de l'Australien de 39 ans, les procureurs de Stockholm réclament son arrestation car il ne s'est pas rendu disponible à la justice. L'avocat d'Assange a accusé hier les autorités suédoises de persécuter son client, dont on ignore où il se trouve.

Par ailleurs, le géant américain de la distribution en ligne Amazon a cessé d'héberger WikiLeaks, a indiqué un sénateur américain hier, alors que l'accès au site était perturbé. Dans un message diffusé sur son fil Twitter, WikiLeaks a affirmé: «Serveurs de WikiLeaks sur Amazon expulsés. Liberté de parole au pays des hommes libres - Très bien, nos dollars vont désormais être dépensés pour employer des personnes en Europe».