La publication par WikiLeaks d'une liste secrète d'infrastructures jugées stratégiques ou essentielles aux yeux des Américains a été dénoncée par des politiciens et même des médias traditionnels.



Le site web a rendu publique lundi une liste de sites d'un peu partout dans le monde, dont au Québec et au Canada, «dont la perte pourrait avoir un impact critique sur la santé publique, la sécurité économique ou la sécurité nationale des États-Unis».

Cette liste, que le département d'État avait envoyée à plusieurs ambassades en février 2009 pour que les diplomates la mettent à jour, désigne, au Québec, des installations hydroélectriques, des mines, des usines de vaccins contre l'épidémie de grippe A (H1N1) et des usines de matériel militaire.

Hydro-Québec est présentée comme «une source essentielle et irremplaçable d'hydroélectricité pour des portions du nord-est des États-Unis»; la mine Niobec, au Saguenay, l'une des seules productrices de niobium au monde, est parmi les seules mines désignées avec précision. À Montréal, au moins deux lieux sont dans la liste: Thales Optronique, fabricant de systèmes optiques pour les véhicules militaires, et la pharmaceutique GlaxoSmithKline.

Ailleurs au Canada, on cite des centrales nucléaires comme Chalk River, «le plus grand fournisseur d'isotopes médicaux du monde», des pipelines, des ponts, des chemins de fer et des barrages hydroélectriques.

À Ottawa, les politiciens ont haussé le ton pour condamner encore les fuites de WikiLeaks. L'organisation de l'Australien Julian Assange a commencé la semaine dernière à rendre publiques environ un quart de million de communications confidentielles échangées entre diplomates américains.

«On assiste à une expérience globale sur la liberté de la presse et la liberté d'expression, et je crois que les fuites les plus récentes dépassent les limites», a tranché le chef libéral Michael Ignatieff, lui-même ancien journaliste.

«Il est absolument irresponsable de délibérément mettre des gens et des biens en danger. C'est déconcertant», a renchéri le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, qui a rappelé l'existence d'une stratégie nationale pour la protection des infrastructures.

«Le gouvernement américain a montré son talon d'Achille, a quant à lui analysé Michel Juneau-Katsuya, spécialiste des questions de sécurité nationale. Stratégiquement, c'est très mauvais pour les Américains.»

Mais la publication d'une telle liste d'objectifs pour terroristes ne veut pas dire que les lieux nommés seront la cible d'un attentat, a précisé l'ancien cadre du Service canadien du renseignement de sécurité, aujourd'hui consultant de la firme Northgate: «Sur le plan logistique, c'est difficile pour eux et ça ne rejoint pas nécessairement tous les objectifs qu'ils se donnent.»

«Le terrorisme auquel on fait face veut frapper des icônes ou faire le plus de victimes possible», a expliqué M. Juneau-Katsuya. «Allez frapper Manic-5 et vous allez faire peur à deux ou trois orignaux, mais c'est à peu près tout... La menace est moins là.»