WikiLeaks met des vies en danger en publiant les dépêches de la diplomatie américaine, ont accusé mardi le département d'État et des observateurs à Washington, après la livraison de milliers de nouvelles notes, dont certaines citent les noms des sources.

«En plus de mettre en cause nos efforts diplomatiques, cela met en danger la sécurité des personnes, menace notre sécurité nationale et sape nos efforts pour travailler avec des pays à résoudre des problèmes communs», a dénoncé Victoria Nuland, la porte-parole du département d'État.

L'administration américaine, empoisonnée depuis des mois par les révélations, «continue d'agir pour atténuer les dégâts causés à la sécurité nationale, et pour aider, dans la mesure de nos moyens, ceux à qui ces révélations illégales font du tort», a-t-elle ajouté.

Conformément à la politique du département d'État, Mme Nuland a refusé de confirmer l'authenticité des dépêches.

Le site internet WikiLeaks, spécialisé dans la révélation de documents secrets, a démenti mardi avoir dévoilé l'identité de sources dans une nouvelle série de près de 134 000 télégrammes diplomatiques américains publiés.

Par le passé, il avait donné en exclusivité ces documents à quelques journaux, dont le New York Times et Le Monde, avec lesquels il éditait les câbles, notamment pour éviter que les sources soient identifiables.

WikiLeaks diffuse désormais directement le reste des quelque 250 000 documents que l'organisation détiendrait, et le New York Times a découvert que certains des derniers câbles diffusés comprenaient les noms de sources.

L'AFP a elle-même constaté, dans un échantillon de plusieurs dépêches, que des noms de personnes et de sociétés à côté desquels figurait la mention «PROTECT SOURCE» («protéger la source») n'avaient pas été effacés.

Le nouveau fonctionnement de WikiLeaks «est une évolution irresponsable de leur part», critique Steven Aftergood, un spécialiste de la confidentialité dans les affaires publiques interrogé par l'AFP.

La Fédération des scientifiques américains, dont fait partie M. Aftergood, «veut plus d'ouverture, pour que les gouvernements rendent des comptes et que les institutions soient responsabilisées. Mais nous ne sommes pas pour paralyser la diplomatie internationale, ni pour empiéter sur la sécurité ou sur le renseignement».

Les sources que WikiLeaks a rendu publiques, souligne-t-il, sont souvent «des personnes privées, des ONG ou des entreprises».

Elles «risquent les représailles» de gouvernements qui n'hésitent pas à «harceler, maltraiter ou emprisonner», rappelle pour sa part Elisa Massimino, la présidente de l'ONG Human Rights First.

Pour l'ex-porte-parole américain P.J. Crowley, les nouvelles révélations «rouvrent une plaie» datant de novembre 2010.

Il y a dix mois, la première livraison massive de notes diplomatiques avait conduit Washington à prévenir ses alliés, et à tenter de protéger des sources potentiellement mises en danger.

Les nouvelles divulgations «font de nouveau courir des risques à des innocents», dit à l'AFP M. Crowley, désormais titulaire de la chaire de stratégie du Dickinson College, à l'université Penn State.

«J'avais pensé dès le début que tous les câbles finiraient, inévitablement, par être publiés d'une manière ou d'une autre», confie-t-il. Or «le problème n'est pas l'embarras qu'ils causent» à l'administration Obama, mais plutôt «le risque pour la vie et les carrières de gens de toutes origines qui ont aidé des diplomates américains à comprendre le monde».

Julian Assange, le chef de WikiLeaks, a suggéré que personne n'était mort à cause des fuites. «Je ne sais pas», dit P.J. Crowley. «Mais ce n'est pas la seule mesure. Des gens ont été forcés de déménager, des gens ont perdu leurs carrières».