WikiLeaks a publié vendredi l'intégralité des 251 287 télégrammes diplomatiques américains en sa possession, non expurgés, suscitant la condamnation de journaux partenaires prestigieux qui reprochent au fondateur du site Julian Assange de mettre des sources en danger.

WikiLeaks, qui avait menacé jeudi de diffuser la version intégrale des télégrammes en dépit des mises en garde d'organisations de droits de l'Homme et du gouvernement américain, a annoncé sur Twitter la diffusion de «251 287 câbles diplomatiques américains, consultables à l'aide de mots-clés», sur le site https://www.cablegatesearch.net/search.php.

Cette publication a aussitôt suscité les critiques de cinq grands quotidiens avec lesquels WikiLeaks avait conclu au milieu de 2010 un partenariat pour diffuser les télégrammes américains expurgés des noms de personnes susceptibles d'être inquiétées.

Dans un communiqué conjoint, le New York Times, The Guardian (Royaume-Uni), Der Spiegel (Allemagne), El Pais (Espagne) et Le Monde (France) ont déploré «la décision de WikiLeaks de publier les télégrammes du département d'État non expurgés, susceptibles de mettre certaines sources en danger».

Selon The Guardian, plus d'un millier des documents publiés vendredi identifient des «activistes» et plusieurs milliers comportent des références à des sources signalées par les États-Unis comme pouvant être mises en danger.

Les câbles contiennent aussi des références à des personnes persécutées par leur gouvernement, des victimes de crimes sexuels et les emplacements d'installations et d'infrastructures gouvernementales sensibles, selon le quotidien britannique.

«La décision de publier la totalité de ces télégrammes appartient à Julian Assange et à lui seul. Il en est seul responsable», ont précisé les cinq journaux dans leur communiqué, traduisant la détérioration de leurs relations avec le fondateur de WikiLeaks, l'Australien Julian Assange.

La diffusion passée de documents dans leur version intégrale est à l'origine de la dernière en date des disputes entre le Guardian et WikiLeaks, chacun accusant l'autre d'avoir révélé un mot de passe permettant l'accès aux câbles. De même Julian Assange et le New York Times entretiennent des rapports houleux.

Même l'organisation Reporters sans frontières (RSF), chargée de défendre la liberté de la presse, a pris ses distances en annonçant jeudi qu'elle suspendait le site miroir (copie) de WikiLeaks qu'elle hébergeait.

WikiLeaks, qui était injoignable vendredi, avait jusqu'alors dévoilé en plusieurs temps les télégrammes diplomatiques en sa possession. Il avait publié une série de quelque 20 000 documents à partir de la fin de 2010, en partenariat avec les cinq journaux.

Ces derniers jours, le site avait fourni une nouvelle livraison de près de 134 000 télégrammes diplomatiques américains, dont plusieurs dans leur intégralité.

Les principaux pays concernés par les documents diffusés vendredi sont l'Irak (36 687 câbles), l'Iran (30 179), la Chine (29 431), Israël (24 198) et l'Afghanistan (19 714), selon WikiLeaks.

Le site était devenu la bête noire de Washington en diffusant en avril 2010 une vidéo montrant une bavure de l'armée américaine à Bagdad, puis des dizaines de milliers de documents confidentiels sur les guerres en Afghanistan et en Irak, relatant notamment des cas de torture couverts par l'armée américaine.

Jeudi, le Département d'État américain avait qualifié d'«irresponsable, imprudente et franchement dangereuse» l'attitude de WikiLeaks, ajoutant que le site avait ignoré ses demandes de ne pas publier les nouveaux documents.

Julian Assange, 40 ans, est assigné à résidence en Grande-Bretagne, dans l'attente du dénouement d'une longue bagarre judiciaire pour échapper à une demande d'extradition en Suède, pour une affaire de viol et d'agressions sexuelles présumés datant d'août 2010.