La justice militaire américaine a «recommandé» jeudi le renvoi en cour martiale de Bradley Manning, accusé d'être la «taupe» de WikiLeaks, a-t-on appris auprès du commandement militaire de la région de Washington.

Le lieutenant-colonel Paul Almanza, qui présidait le tribunal militaire de Fort Meade, au Maryland, devant lequel a comparu Bradley Manning, et est chargé des investigations dans cette affaire, a «conclu que les accusations» étaient fondées et que «des motifs raisonnables laissaient croire que l'accusé avait commis les faits qui lui sont reprochés».

Il a «recommandé» que le dossier soit renvoyé devant l'autorité supérieure des cours martiales qui rendra sa décision en dernier lieu, selon un communiqué de l'armée.

Si cet ancien analyste du renseignement en Irak est renvoyé devant une cour martiale, son procès ne devrait pas avoir lieu avant le printemps.

Le soldat, âgé de 24 ans, encourt l'emprisonnement à vie pour «collusion avec l'ennemi». Vingt-et-un autres chefs d'inculpation pèsent contre lui et l'avocat de la défense s'était prononcé pour l'abandon de la quasi-totalité des accusations à l'audience de décembre sur la base de Fort Meade.

Selon le communiqué, le magistrat instructeur a recommandé que les 22 chefs d'inculpation soient conservés.

«Nous sommes déçus mais en aucun cas surpris», a déclaré Jeff Paterson, un des responsables du comité de soutien de Bradley Manning, dans un communiqué.

«Le magistrat instructeur ne se préoccupe pas du conflit d'intérêt causé par son double emploi au ministère de la Justice ou du parti pris par son commandant en chef, le président Obama, qui avait publiquement déclaré Manning coupable, bien avant le premier jour devant le tribunal», a ajouté M. Paterson.

Le lieutenant-colonel Almanza avait refusé de se récuser, à la demande de la défense qui estimait qu'il ne pouvait pas rester impartial en travaillant pour le ministère de la Justice qui mène une enquête sur WikiLeaks et son fondateur Julian Assange.

«Ces accusations sont en contradiction avec les propres estimations de l'administration qui ont montré que les révélations de Wikileaks ne présentaient pas de menace pour la sécurité nationale», a ajouté Kevin Zeese, conseiller juridique du comité de soutien.

Bradley Manning est accusé d'avoir transmis au site internet WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que 260 000 dépêches diplomatiques du département d'État.

Son avocat s'était prononcé lors de l'audience pour l'abandon de toutes les accusations à l'exception de trois d'entre elles, passibles de 30 ans de prison.

De son côté, l'accusation réclamait que Bradley Manning soit renvoyé devant une cour martiale.

Durant sept jours d'audience préliminaire en décembre, la défense s'était attachée à montrer que Manning a souffert de troubles émotionnels et sexuels, en raison notamment de son homosexualité, lors de son déploiement près de Bagdad de novembre 2009 à mai 2010, mais que ses supérieurs n'ont pris aucune mesure pour y remédier.

Incarcéré depuis plus d'un an et demi, le soldat Manning, dont le sourire juvénile a fait le tour du monde, s'était plaint d'un isolement total, de brimades et d'un régime ultra-restrictif lorsqu'il était incarcéré à la prison de Quantico, près de Washington.