Vaudous, protestants, catholiques, les Haïtiens se sont recueillis, hier, un an après le tremblement de terre qui a ravagé le pays le plus pauvre d'Amérique. Puis ils ont célébré la vie en dansant et en chantant dans les rues de Port-au-Prince. À 16h53, la fête s'est tue pour laisser place à une minute de silence. Jamais ils n'oublieront ces 35 secondes qui ont changé leur ville, leur pays, leur vie.

La Belle Déesse Junior était parmi les invités d'honneur de la grande cérémonie vaudou organisée à l'occasion du premier anniversaire du séisme meurtrier, hier, dans la capitale haïtienne.

Cette Québécoise d'origine haïtienne se présente comme la «grande prêtresse de la région du Canada». Son véritable nom est Rolanda Delerme. À chaque début d'année, elle retourne aux sources dans son pays natal. Le reste du temps, elle officie dans son temple de Pierrefonds.

«Sans le vaudou, il n'y a plus d'Haïti. On ne doit pas laisser le pays mourir entre nos mains», a lancé à une foule attentive l'élégante femme en robe blanche.

La cérémonie, ponctuée de chants et de danses au son des tam-tam, a eu lieu à un jet de pierre du Palais national, dans la cour du Bureau national d'ethnologie.

Les hougans et les mambos d'un peu partout au pays étaient réunis pour l'occasion. Ces prêtres et prêtresses se sont mis à déverser de l'eau sur le sol autour d'un haut poteau de bois dans lequel était gravé un serpent.

«Il faut retrouver l'esprit des premiers jours suivant le tremblement de terre, où les riches et les pauvres étaient unis dans le malheur», a souligné la prêtresse québécoise.

Depuis un mois, une quarantaine d'adeptes du vaudou ont été massacrés à coups de machette dans la commune de Jérémie, dans l'ouest. «On les accuse de propager le choléra.» Avec tous les malheurs qui ont frappé Haïti depuis un an, les adeptes de différentes religions devraient s'unir plutôt que s'affronter, a ajouté la prêtresse.

Le grand prêtre vaudou d'Haïti, «le hougan des hougans», Max Beauvoir, a pris la parole à son tour et exhorté les siens à «sortir de leur état de tristesse». «En 2011, il est temps de célébrer la vie.»

Non loin de là, plusieurs centaines de catholiques se sont réunis en matinée devant les ruines de la cathédrale de Port-au-Prince pour une messe célébrée en plein air.

Christelle Garçon, 22 ans, protégeait son bébé du soleil brûlant à l'aide d'un parapluie. Elle était enceinte de trois mois lors du tremblement de terre. «J'ai eu peur de le perdre.» Aujourd'hui, elle vit sous la tente. «On prie pour que la situation change. La vie est plus dure depuis que j'ai mon bébé», dit-elle.

Vers midi, le recueillement a fait place à la fête. C'était le temps de célébrer la vie. Des dizaines de milliers de personnes ont envahi le Champ-de-Mars en dansant et en chantant au son de la musique kompa crachée par des haut-parleurs installés à l'arrière de véhicules qui traversaient la ville.

L'immense drapeau planté devant le Palais national effondré était en berne depuis un an, en mémoire des 300 000 personnes qui ont perdu la vie. «Il y a un miracle qui s'opère», répétait un évangéliste, debout dans la boîte d'un camion qui tentait de se frayer un chemin à travers la foule.

À 16h53, à l'heure précise où le séisme de magnitude 7 a fait trembler la terre d'Haïti il y a un an, la fête s'est tue. Il ne restait que quelques centaines de personnes devant ce symbole du pouvoir. Une poignée de chrétiens évangélistes vêtus de blanc, qui scandaient des prières en marchant, se sont immobilisés. Une minute de silence a été observée dans tout le pays. Des ballons blancs ont été lâchés dans le ciel.

Debout devant son abri de fortune, à l'entrée du Champ-de-Mars, Yricia Saintina n'avait pas entendu parler de cette minute de silence. De toute façon, elle n'a pas de montre. «Je préfère rentrer dans ma tente», nous a-t-elle dit. La mère de famille de 45 ans a alors montré du blé qui attendait de bouillir dans une casserole. «Je dois préparer le souper. Je n'ai pas d'argent. C'est tout ce que j'ai pu acheter aujourd'hui.» Elle n'a pas besoin d'une minute de silence pour lui rappeler à quel point les 35 secondes du séisme ont changé son peuple, son pays. Sa vie.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

À Port-au-Prince, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées pour une messe en plein air à l'extérieur de la cathédrale catholique, qui n'est plus qu'un tas de décombres.