Les premières évacuations d'étrangers fuyant la chaos ivoirien ont démarré dimanche à Abidjan, où l'armée française a pris le contrôle de l'aéroport de la ville livrée aux pillages et aux combats autour des derniers bastions du président sortant Laurent Gbagbo.

Dans ce climat explosif, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a de son côté demandé à Alassane Ouattara, le président ivoirien reconnu par la communauté internationale, de prendre des mesures contre ceux qui ont participé au massacre de 800 personnes dans l'ouest du pays, selon un porte-parole de l'ONU.

Alassane Ouattara a démenti une nouvelle fois les accusations selon lesquelles ses partisans auraient participé au massacre en début de semaine dans la ville de Duékoué, lors d'une conversation téléphonique avec Ban Ki-Moon a rapporté ce porte-parole. M. Ouattara a déclaré qu'il avait demandé une enquête.

Redoutant pour leur sécurité, 167 étrangers, dont des Français et des Libanais, ont quitté Abidjan pour Dakar, via Lomé, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la force française Licorne, le commandant Frédéric Daguillon.

En plus de la prise de contrôle de l'aéroport de la capitale économique, Paris a envoyé 300 soldats en renfort.

Avant les premiers départs d'étrangers, 1650 personnes, dont environ 800 Français, étaient regroupées dans le camp de Licorne pour se mettre à l'abri.

Dans ce contexte très tendu, la télévision d'État ivoirienne contrôlée par le camp Gbagbo a entamé dimanche la diffusion de violents messages contre la France.

«Le génocide rwandais se prépare en Côte d'Ivoire par les hommes (du président français Nicolas) Sarkozy. Ivoiriennes, Ivoiriens, sortons massivement et occupons les rues», lançait un bandeau défilant.

«L'armée française occupe l'aéroport Félix Houphouët-Boigny (d'Abidjan), nous sommes en danger», affirmait un autre bandeau.

À Paris, un conseiller de M. Gbagbo, Toussaint Alain, a affirmé que la force Licorne agissait «comme une armée d'occupation en dehors de tout mandat» de l'ONU.

L'assaut final des combattants pro-Ouattara contre le palais et la résidence présidentielle n'a toujours pas eu lieu. Des tirs sporadiques d'armes lourdes étaient entendus dimanche, notamment au Plateau, abritant le palais. On ne savait toujours pas avec certitude où se trouvait M. Gbagbo.

L'offensive éclair d'Alassane Ouattara, lui avait pourtant permis depuis lundi de prendre sans grande résistance tout le pays avant de rentrer jeudi )à Abidjan.

Isolé diplomatiquement, asphyxié économiquement, plus faible que jamais militairement, Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, a plié, mais il n'a pas rompu.

Replié sur les symboles du pouvoir -palais, résidence, télévision d'État RTI-, il a très vite démontré qu'il n'entendait pas abdiquer ni prendre le chemin de l'exil.

Toute la journée de samedi, la chaîne avait diffusé des appels à la mobilisation, les militaires devant regagner des points de ralliement, les civils former un «bouclier humain» autour de la résidence de Gbagbo.

Si le rapport de force restait à l'avantage des troupes de M. Ouattara, leur marche sur Abidjan est toutefois ternie par de graves accusations de massacres de civils.

Selon l'ONU et plusieurs organisations internationales, la prise mardi par les combattants pro-Ouattara de Duékoué, important carrefour de l'Ouest ivoirien, s'est accompagnée de massacres à grande échelle, les bilans allant de 330 tués à un millier de «morts ou disparus».

Le CICR évoque «au moins 800 morts» pour la seule journée du 29 mars, parlant de «violences intercommunautaires», et l'ONG catholique Caritas fait état d'«un millier de morts ou disparus» entre les 27 et 29 mars.

Si le bilan provisoire de la Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI) est pour l'instant le plus bas (330 morts entre les 28 et 30 mars), c'est la seule organisation à désigner des coupables.

Selon l'ONUCI, «la plupart» des 330 morts de Duékoué ont été tués par des combattants pro-Ouattara, les autres l'ayant été essentiellement par des miliciens et mercenaires libériens de M. Gbagbo.

Le camp Ouattara a vivement contesté ces «allégations», affirmant que tous les tués étaient des «miliciens», donc des combattants armés, et non des «civils».

Ces graves accusations sur de possibles «crimes de guerre» sont d'autant plus embarrassantes pour M. Ouattara qu'elles proviennent de l'ONUCI, qui assure sa protection et a validé sa victoire à la présidentielle du 28 novembre.

L'image internationale de M. Ouattara pourrait s'en trouver gravement abîmée. Pour la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, «les forces du président Ouattara doivent se montrer à la hauteur des idéaux et de la vision exprimés par leur chef élu».

À Paris, une réunion sur la Côte d'Ivoire autour du président Sarkozy a débuté dimanche à l'Élysée pour «faire un nouveau point sur la situation».