Inspections financières, enquêtes judiciaires, émissions fermées: la pression s'est accrue en Russie sur les médias indépendants avant la présidentielle du 4 mars dont Vladimir Poutine est le grand favori.

Dernier exemple en date, le journal d'opposition Novaïa Gazeta a fait mardi état de problèmes financiers en raison d'une vaste inspection de contrôle financier à la Banque nationale de réserve, établissement appartenant au milliardaire Alexandre Lebedev, un de ses principaux actionnaires.

«Les autorités utilisent la force pour qu'on change la politique rédactionnelle, mais ils comprennent mal la psychologie de nos journalistes», a déclaré mercredi à l'AFP le rédacteur en chef de la publication Dmitri Mouratov.

Malgré l'incapacité du journal à payer les salaires, il a promis que le journal pour lequel avait travaillé la journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006, continuera de paraître.

«On a connu pire, ce n'est pas comme ça qu'ils peuvent nous intimider», a souligné M. Mouratov.

Selon lui, les ennuis de Novaïa Gazeta «s'inscrivent dans la tendance générale» de pressions contre les médias indépendants à l'approche de la présidentielle.

La semaine dernière, la radio Écho de Moscou a dénoncé l'éviction de journalistes de son conseil d'administration par le géant semi-public Gazprom, son principal actionnaire.

La télévision privée Dojd, elle aussi en pointe dans la couverture des manifestations d'opposition -en grande partie ignorées par les médias officiels- a elle aussi annoncé vendredi faire l'objet d'une enquête sur ses sources de financement.

Un talk-show politique sur la chaîne musicale MTV a été subitement fermé ce mois-ci au motif de «mauvais résultats» d'audience après l'enregistrement d'une émission avec Alexeï Navalny, une des bêtes noires du régime.

Nationaliste et pourfendeur de la corruption, cet opposant de plus en plus populaire est banni des chaînes nationales, malgré la relative ouverture de l'antenne à des leaders de la contestation qui a suivi les premières grandes manifestations de décembre.

«C'est de la censure politique à 100%. L'audience de l'émission était très élevée et la version de la chaîne ne tient pas debout», a souligné à l'AFP l'opposant Ilia Iachine, qui avait pris part à la première émission.

La déléguée de l'OSCE pour les questions de liberté de la presse, Dunya Mijatovic, a déploré mardi l'existence d'une «censure soft» en Russie.

Cette censure s'exerce selon elle par des contrôles fiscaux ou d'autres services d'État lancés de manière sélective contre les médias indépendants, ou des pressions exercées directement ou sur les actionnaires.

Selon Elena Zelinskaïa, vice-présidente d'un syndicat indépendant des médias en Russie, ces tendances, déjà présentes en Russie, «se sont accentuées pendant la campagne électorale».

«Pourtant il est beaucoup plus important de souligner que d'autres processus, positifs, sont désormais irréversibles. L'opinion a changé de manière radicale. La fermeture d'un média ne fera qu'aggraver le mécontentement», souligne-t-elle.

Dmitri Mouratov, le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, est plus circonspect.

«Il y a deux hypothèses de l'évolution de la situation après l'élection de Poutine: il sera réformateur ou il va serrer encore plus la vis», estime-t-il.   «Je pense personnellement que ce sera entre les deux», dit-il, ajoutant que ce climat de travail était en définitive «habituel» pour les journalistes russes.