Vladimir Poutine s'en est pris avec virulence mercredi à l'opposition russe, l'accusant de s'employer à discréditer la présidentielle du 4 mars au mépris des règles démocratiques et d'envisager jusqu'à un meurtre «sacrificiel» qui serait commis pour l'imputer au pouvoir.

Le premier ministre, homme fort de la Russie depuis une décennie, brigue un nouveau mandat au Kremlin qu'il avait dû laisser en 2008 à son subordonné Dmitri Medvedev, faute d'avoir le droit d'enchaîner plus de deux mandats consécutifs.

Rencontrant mercredi des représentants de ses comités de soutien, il a accusé pêle-mêle l'opposition de s'apprêter à mettre en scène des fraudes électorales pour en accuser le pouvoir, d'enfreindre elle-même les règles de la démocratie en dénonçant par avance le scrutin et même d'envisager un meurtre dans ses propres rangs pour faire monter la tension.

«Certains sont prêts à sacrifier quelqu'un et à accuser ensuite le pouvoir. Je connais ces méthodes et cette tactique, cela fait dix ans qu'ils tentent de le faire», a déclaré M. Poutine, interrogé sur d'éventuelles provocations au cours des manifestations auxquelles l'opposition appelle d'ores et déjà pour le lendemain du scrutin.

«Ils cherchent même une victime sacrificielle parmi des gens connus. Ils peuvent flinguer quelqu'un et ensuite accuser le pouvoir», a poursuivi M. Poutine, un ex-agent du KGB.

Il a dit soupçonner de telles intentions «avant tout ceux qui sont à l'étranger», une allusion assez claire au milliardaire Boris Berezovski, bête noire du pouvoir russe, réfugié à Londres depuis le début des années 2000.

Ces déclarations ont été précédées par la parution mercredi dans le quotidien Kommersant d'un article insinuant que M. Berezovski était le commanditaire du meurtre de la journaliste d'opposition Anna Politkovskaïa, commis le 7 octobre 2006, le jour de l'anniversaire de M. Poutine.

Selon Kommersant, c'est un ancien policier qui a désigné comme étant les commanditaires Boris Berezovski et un ex-responsable tchétchène en exil, Akhmed Zakaïev.

M. Berezovski a lui-même accusé ces dernières années le pouvoir russe du meurtre de Mme Politkovskaïa et de celui, la même année, de l'ex-agent du FSB (services secrets issus de l'ex-KGB) réfugié à Londres Alexandre Litvinenko.

M. Poutine a par ailleurs accusé l'opposition d'avoir une attitude «inacceptable» en déclarant l'élection «illégitime par avance».

«Les gens qui parlent de la nécessité de renforcer les institutions démocratiques doivent obéir eux-mêmes à ces règles», a-t-il déclaré.

Le premier ministre a affirmé que l'opposition se préparait à mettre en scène des fraudes pour en rendre le pouvoir responsable.

«Ils vont eux-mêmes bourrer les urnes (...) et présenter des plaintes eux-mêmes», a affirmé M. Poutine.

Le leader du parti d'opposition Iabloko, Sergueï Mitrokhine, a dénoncé des déclarations qui selon lui visent à justifier par avance la fraude électorale.

Vladimir Poutine «prépare le terrain en déclarant que les fraudes n'auront aucun lien avec le pouvoir», a-t-il dit à l'agence de presse Interfax.

L'ex-milliardaire emprisonné Mikhaïl Khodorkovski a de son côté mis en garde contre les risques d'une escalade dans la confrontation qui serait «le rêve» de la frange la plus radicale du pouvoir russe, dans une tribune publiée sur l'internet.

La police et des militants favorables à Vladimir Poutine ont empêché mercredi soir une action de l'opposition qui comptait distribuer des tentes Place Pouchkine, dans le centre de Moscou, en prévision des manifestations de la semaine prochaine. Plusieurs opposants ont été interpellés, selon la radio Ekho Moskvy.

Crédité de 60% des intentions de vote, M. Poutine pourrait être déclaré vainqueur au premier tour, malgré la baisse de sa popularité et la mobilisation de l'opposition depuis les législatives de décembre.

Celles-ci avaient été remportées par le parti au pouvoir Russie unie avec plus de 49% des suffrages, au prix de fraudes massives, selon l'opposition.