Sans surprise, Vladimir Poutine a remporté hier dès le premier tour la présidentielle russe, récoltant environ 65% des voix, après le dépouillement de 88% des bureaux. L'opposition a dénoncé des fraudes massives et entend prendre la rue dès aujourd'hui pour contester les résultats.

L'atmosphère était tendue en journée dans plusieurs bureaux de scrutin aux quatre coins du pays. Les organisations de la société civile russe y avaient dépêché des milliers de citoyens observateurs pour recenser les irrégularités. Après les législatives «frauduleuses» de décembre et la vague de contestation sans précédent du régime Poutine qu'elle avait déclenché, les volontaires étaient nombreux. Et aux aguets.

Dans le bureau numéro 43 du quartier Zamoskvoretchié de Moscou, Vladimir Kholine a passé la journée, caméra à la main, à filmer le déroulement du vote. Ni les urnes transparentes ni les 180 000 web-caméras installées par la commission électorale - sous ordre du premier ministre Poutine - et retransmettant en direct les activités de la presque totalité des bureaux de scrutin du pays ne l'ont rassuré sur l'honnêteté du scrutin. «Les caméras ont été placées trop loin pour qu'on puisse constater si quelqu'un glisse un ou plusieurs bulletins dans l'urne», explique l'agent d'assurance de 27 ans.

En fin de matinée, M. Kholine n'avait toujours remarqué aucune irrégularité. Son expérience d'observateur lors des législatives lui a toutefois appris à demeurer vigilant. «En décembre, avant le décompte des voix, tout était normal aussi. Mais après, ils ont ajouté 42 bulletins pour Russie unie [le parti de Vladimir Poutine] et trafiqué le procès-verbal.»

Bourrages d'urnes

Partout dans le pays, des milliers d'irrégularités ont été recensées par les organisations d'observation électorale: bourrages d'urnes, observateurs expulsés des bureaux de vote, groupes d'électeurs transportés de bureau en bureau pour voter plusieurs fois... Selon un décompte partiel de l'ONG Golos, Vladimir Poutine aurait ainsi obtenu moins de 55% des voix.

Les preuves de fraudes électorales ont été largement relayées sur les réseaux sociaux et les sites des médias indépendants, mais pas sur les chaînes de télévision d'État, sous le contrôle du Kremlin.

La Commission centrale électorale - accusée par l'opposition d'être aux ordres de Vladimir Poutine - a rejeté la plupart de ces allégations, dénonçant plutôt des «provocations» visant à discréditer le processus.

En fin de soirée, dans un discours devant une foule réunie près du Kremlin, Vladimir Poutine, les larmes aux yeux, s'est félicité de sa «victoire propre». «Nous avons gagné dans une lutte ouverte et honnête!» Il a du même souffle accusé l'opposition d'avoir voulu «détruire notre État et usurper le pouvoir».

De nombreux électeurs rencontrés hier émettaient toutefois des doutes quant à l'honnêteté du scrutin. «Ils n'ont même pas congédié le président de la commission électorale, alors comment pourrait-on avoir confiance», s'est ainsi insurgée Natalia Petrovna, en référence à Vladimir Tchourov, considéré par l'opposition comme le chef d'orchestre des falsifications lors des dernières législatives.

Aucun candidat réellement critique du régime n'ayant été enregistré par la commission électorale, les anti-Poutine ont dû se rabattre sur l'un des quatre prétendants plus ou moins loyaux au régime.

Selon les premiers résultats, le communiste Guennadi Ziouganov s'est classé deuxième, loin derrière Poutine, avec 17% des suffrages. La surprise est venue du milliardaire Mikhaïl Prokhorov - seul candidat qui en était à sa première participation à une présidentielle -, appuyé par environ 7% des électeurs, soit autant que le populiste Vladimir Jirinovski. Le leader de Russie juste, Sergueï Mironov, a quant à lui reçu moins de 4% des voix.

Ce soir, des milliers de mécontents se réuniront place Pouchkine, dans le centre de la capitale. Au même moment, quelques centaines de mètres plus loin près du Kremlin, les partisans de Vladimir Poutine se rassembleront à nouveau pour défendre la victoire de leur candidat.