Mulmilla a doucement refermé les yeux de son fils de deux ans, enveloppé son corps squelettique dans une écharpe et l'a emmené à l'extérieur pour l'enterrer: comme de nombreux enfants victimes de la famine en Somalie, le petit Mohamed est arrivé trop tard à l'hôpital Banadir de Mogadiscio pour être sauvé.

«Mon enfant est parti», dit sobrement Mulmilla avant de quitter le seul pavillon pour enfants de la capitale somalienne.

Des infirmières épuisées regardent à peine Mulmilla emmener son enfant: une dizaine d'autres, entre la vie et la mort, nécessitent des soins d'urgence, alignés sur un long banc en bois réservé aux cas de malnutrition les plus critiques.

L'hôpital de Banadir, c'est l'objectif de nombreuses mères venues faire soigner leurs enfants après avoir fui leurs campagnes ravagées par la sécheresse et parfois affectées par la famine. Mères et nourrissons y arrivent le plus souvent épuisées, après plusieurs jours ou plusieurs semaines de marche.

L'ONU a déclaré en état de famine trois régions du sud de la Somalie ainsi que les populations de déplacés de Mogadiscio et du corridor d'Afgoye, à environ 20 km de là.

L'hôpital, un bâtiment décrépi sans eau potable ni fourniture régulière d'électricité, demeure synonyme d'espoir pour ceux qui sont parvenus à l'atteindre.

«Il y en a tant qui arrivent et nous faisons ce que nous pouvons», soupire Asli Ali, une infimière affairée à poser des sondes d'alimentation dans le nez d'enfants trop faibles pour se nourrir normalement.

«Il en arrive tous les jours et beaucoup sont trop malades», ajoute l'infirmière, dans cette salle qui accueille une trentaine d'enfants, les plus sévèrement atteints par la malnutrition et les maladies.

Bien souvent, leurs organismes sont bien trop affaiblis pour être sauvés, notamment au regard des soins de base offerts par un établissement largement dépassé par le nombre de patients.

Dans la seule heure qui a précédé le dernier souffle de Mohamed, trois autres enfants ont également succombé, selon le personnel du pavillon.

À l'instar de Mulmilla, qui a fui la famine dans sa région du Bas Shabelle pour la retrouver dans les camps de déplacés de Mogadiscio, plus de 100 000 personnes se sont réfugiées dans la capitale somalienne, bravant les combats et l'insécurité.

«Ils sont bien trop nombreux pour qu'on puisse s'en occuper», tranche l'infirmière, désignant de la main les bureaux en bois de l'hôpital reconvertis en lits.

D'autres dorment à même le sol: des mères et leurs enfants ont reconverti en matelas des cartons vides utilisés par l'agence de l'ONU pour l'enfance (Unicef) pour acheminer des suppléments nutritionnels à base de pâte de cacahuète.

L'hôpital est tellement bondé que l'espace manque pour séparer les enfants atteints de rougeole - une cause fréquente de décès chez des enfants affaiblis par la malnutrition - de ceux ayant été épargnés par l'infection virale.

En dépit de la surpopulation, l'hôpital est plongé dans un silence pesant, que seule la toux maladive d'un enfant de neuf ans vient briser, soulevant brièvement un nuage de mouches.

Sa civière a été trouée en son milieu, pour accueillir les patients atteints de diarrhées. Le choléra a fait son apparition dans plusieurs régions de la Somalie, y compris à Mogadiscio.

À l'hôpital Banadir, plus de 200 cas de choléra ou de diarrhées aiguës ont été répertoriés chaque semaine entre le 24 juillet et le 7 août, selon les dernières statistiques du bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU.