Les États-Unis et Israël auront eu beau multiplier les pressions pour l'en dissuader, Mahmoud Abbas a franchi le Rubicon hier matin en présentant une demande de reconnaissance d'un État de Palestine à l'ONU.

Peu après cette demande historique, le président de l'Autorité palestinienne est monté à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, où la plupart des délégués l'ont ovationné à plusieurs reprises.

«Je pense qu'aucune personne douée d'un peu de conscience ne peut rejeter notre demande d'adhésion à part entière aux Nations unies et notre admission en tant qu'État indépendant», a déclaré le Palestinien de 76 ans, changeant du coup les règles du jeu diplomatique en vigueur depuis des décennies. «Nous tendons la main au gouvernement et au peuple d'Israël pour faire la paix.»

Mais toute négociation avec Israël sera «dérisoire» tant et aussi longtemps que son gouvernement n'aura pas mis fin à sa politique de colonisation, a-t-il prévenu.

«Cette politique est responsable de l'échec persistant des tentatives successives de la communauté internationale pour sauver le processus de paix», a-t-il estimé.

En milieu d'après-midi, la demande palestinienne a été transmise par le secrétaire généra de l'ONU, Ban Ki-moon, au Conseil de sécurité, où les États-Unis disposent d'un droit de veto auquel ils ont menacé de recourir si nécessaire.

Il pourrait s'écouler un certain temps avant que le Conseil de sécurité ne tienne un vote sur cette demande susceptible d'entraîner l'isolement diplomatique des États-Unis et de leur allié israélien.

Proposition du Quartette

En attendant, les membres du Quartette pour le Proche-Orient (États-Unis, Russie, UE, ONU) ont proposé une reprise des négociations entre Palestiniens et Israéliens. Ces négociations devraient avoir comme objectif un accord en 2012, ont-ils fait savoir dans une déclaration diffusée en fin d'après-midi.

Selon le document, les deux parties se rencontreraient une première fois dans un mois pour fixer «un calendrier et une méthode de négociations». Elles devraient en outre présenter d'ici trois mois des «propositions complètes» sur la sécurité et le territoire et avoir fait des «progrès substantiels en six mois».

Une conférence internationale aurait lieu à Moscou pour évaluer l'évolution des pourparlers «au moment qui conviendra».

S'il faut se fier au discours qu'il a prononcé peu après celui de Mahmoud Abbas, Benyamin Nétanyahou était prêt à reprendre les négociations dès hier.

«Rencontrons-nous aujourd'hui aux Nations unies. Je ne peux pas faire la paix seul. Je ne peux pas faire la paix sans vous», a-t-il déclaré.

Adoptant un ton tantôt conciliant, tantôt sarcastique, le chef du gouverneur israélien a affirmé que «la base du conflit» au Proche-Orient n'était pas les implantations juives en Cisjordanie, mais «le refus des Palestiniens de reconnaître l'État juif».

«Reconnaissez l'État juif et faites la paix avec nous», a-t-il déclaré

Le dirigeant israélien s'est ensuite moqué d'une déclaration de Mahmoud Abbas selon laquelle les Palestiniens sont seulement armés «d'espoirs et de rêves».

«Et de 1000 missiles», a-t-il ironisé, «et d'un torrent d'armes.»

Ambassadrice impassible

L'ambassadrice américaine à l'ONU, Susan Rice, a applaudi lorsque Mahmoud Abbas a fait son apparition à la tribune de l'Assemblée générale. Elle est cependant restée impassible lorsque le président palestinien a brandi une copie de la demande qu'il venait de remettre au secrétaire général de l'ONU. Plusieurs délégués se sont alors levés pour l'applaudir.

«Le temps est arrivé», a déclaré Mahmoud Abbas, appelant de ses voeux un «printemps palestinien».

La veille, le président palestinien avait accusé l'administration américaine d'avoir «fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire échec à notre projet. Mais nous allons aller de l'avant, en dépit des obstacles et des pressions, car nous voulons obtenir nos droits. Nous sommes le seul peuple au monde encore sous occupation», a-t-il ajouté lors d'une rencontre à New York avec un groupe d'Américains d'origine palestinienne.

Les Palestiniens ont besoin d'au moins 9 voix sur 15 au Conseil de sécurité pour que leur demande puisse faire l'objet d'une «recommandation» de l'Assemblée générale. Ils peuvent déjà compter sur l'appui de six membres - la Chine, la Russie, le Brésil, l'Inde, le Liban et l'Afrique du Sud.

Les indécis ou les discrets sont la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, le Nigeria, le Gabon, la Bosnie et le Portugal. La Colombie a déjà annoncé qu'elle s'abstiendrait.

Le pointage au Conseil de sécurité

OUI

> Membres permanents: Chine, Russie.

> Membres non permanents: Bosnie, Brésil, Gabon, Inde, Nigeria, Liban, Afrique du Sud.

NON

> Membres permanents: États-Unis, France, Royaume-Uni.

> Membres non permanents: Allemagne, Portugal, Colombie.

Assemblée générale

122 des 193 pays membres de l'ONU reconnaissent la Palestine.

Source: BBC