L'ex-chef du FMI Dominique Strauss-Kahn a effectué lundi à Pékin son retour à la vie publique dans un forum économique au cours duquel il a comparé la zone euro à un «radeau sur le point de sombrer», en refusant de commenter ses propres déboires.

Après plus de sept mois de turbulences personnelles, le Français a souhaité retrouver dans la capitale chinoise son statut de spécialiste en macro-économie, fort de son expérience à la tête du Fonds.

Aux journalistes étrangers qui tentaient de l'interroger sur son actualité judiciaire, sur son état d'esprit ou sur son choix de la Chine pour revenir sur le devant de la scène, DSK a systématiquement opposé: «Aucun commentaire».

L'ex-chef du FMI avait brutalement dû quitter son poste à la tête de l'institution internationale après avoir été accusé de tentative de viol par Nafissatou Diallo, femme de chambre de l'hôtel Sofitel de Manhattan.

Il a depuis bénéficié de l'abandon des poursuites pénales concernant ces faits présumés, mais reste poursuivi au civil, et son nom a été depuis cité notamment dans une affaire de prostitution en France. Ces affaires l'avaient conduit jusqu'à ce lundi à s'effacer largement de la vie publique.

Costume sombre et cravate rose, simplement équipé d'une tablette tactile, il s'est assis aux côtés d'économistes majoritairement chinois, qu'il a salués comme s'il retrouvait de vieilles connaissances et comme si l'affaire du Sofitel n'avait jamais éclaté.

Invité par le groupe NetEase, l'un des géants de l'internet en Chine, Dominique Strauss-Kahn a prononcé un discours en anglais de 45 minutes.

Il est vraisemblable que DSK et NetEase avaient des intérêts communs dans cette opération: le premier en retrouvant une posture digne dans un pays où les questions gênantes sont très rarement posées, le second en s'offrant pour son forum annuel une tête d'affiche mondialement connue.

Sur un ton savant d'expert au-dessus de la mêlée, l'ex-patron du FMI a distribué bons et mauvais points, se montrant très critique des mesures de sauvetage prises à Bruxelles et plutôt tendre avec ses hôtes chinois.

«Nous voyons les pays européens passer d'un plan (de sauvetage) à un autre, d'un sommet de la dernière chance à un autre, toujours sans admettre les pertes, toujours sans permettre une reprise de la croissance et toujours en échouant à restaurer la confiance», a déclaré M. Strauss-Kahn.

Il a ensuite répondu à des interrogations d'internautes transmises par le biais d'un animateur.

«Avec la récente tempête, le radeau semble ne plus être assez résistant», a-t-il affirmé en parlant de l'eurozone. «Le fait que l'euro soit encore au milieu de la rivière et que l'union budgétaire ne soit pas réalisée le rend très très vulnérable et le radeau semble sur le point de sombrer».

«Je ne suis pas persuadé que (le président français) M. Sarkozy et (la chancelière allemande) Mme Merkel se comprennent bien entre eux et c'est probablement une des raisons pour lesquelles le système européen a des problèmes pour avancer», a-t-il confié.

Il a estimé en revanche que le gouvernement chinois avait «particulièrement bien tiré son épingle du jeu» lors de la crise de 2008-2009.

Les 500 milliards d'euros (674 milliards de dollars) du Mécanisme européen de stabilité (MES), futur fonds de sauvetage permanent de la zone euro, «ne seront pas réels avant six mois, ce qui est bien trop tard. C'est une question de semaines, ce n'est pas une question de mois», a souligné l'ex-favori de la présidentielle française.

Concernant les autres mesures sur lesquelles planchent les leaders européens, qui se retrouveront en sommet début 2012, DSK a assuré: «Franchement je ne suis pas vraiment sûr que ce qu'ils vont préparer sera suffisamment solide pour être efficace».

«La participation de Dominique Strauss-Kahn relève le niveau de cette conférence, nous le respectons beaucoup», a estimé l'économiste chinoise Sun Shilian.

Selon elle, DSK bénéficie de cette bonne image en Chine, car il a permis sous son mandat à l'influence de Pékin de grossir au sein du FMI, qui a notamment intégré comme directeur général adjoint un Chinois, Zhu Min.