L'ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn est arrivé vendredi soir à l'Université de Cambridge, où des manifestants protestaient contre sa venue pour une conférence sur l'état de l'économie mondiale, a constaté l'AFP.

Environ 200 manifestants s'étaient rassemblés près des locaux de l'association estudiantine Cambridge Union, organisatrice de cet événement, en scandant «DSK, va t'en, justice pour (Nafissatou) Diallo», en référence à la femme de chambre new-yorkaise qui l'accuse d'agression sexuelle.

Dominique Strauss-Kahn est entré par une porte latérale des locaux de l'université, escorté par des gardes de sécurité qui repoussaient des photographes. Il n'a pas dit un mot aux journalistes présents, qui n'étaient pas admis à la conférence.

Un étudiant qui faisait la queue pour assister à l'intervention de DSK, Edward Johnson, a expliqué à l'AFP qu'il était «intéressé par son travail au FMI». «Mais je dois admettre aussi que nous sommes intéressés par les accusations dont il fait l'objet, c'est évidemment l'une des raisons de notre présence», a-t-il dit, alors que la conférence de 19h30 GMT (14h30, heure de Montréal) devait faire salle comble.

Une brève bagarre, rapidement dispersée par la police, a eu lieu quand des protestataires ont déchiré une pancarte proclamant «laissez DSK parler».

Peu avant, l'avocat de la femme de chambre Nafissatou Diallo, Douglas Wigdor, a dénoncé comme un «affront» la conférence prévue vendredi soir à Cambridge de Dominique Strauss-Kahn, un événement très couru qui suscitait également des protestations d'étudiants.

Devant une centaine d'élèves de la faculté de droit de la prestigieuse université anglaise et presque autant de journalistes, l'avocat venu spécialement des États-Unis s'est dit «sidéré» par l'invitation faite à l'ancien patron du FMI.

«Pourquoi la «Cambridge Union» (l'association estudiantine) ouvrirait-elle ses portes à un homme qui a été accusé d'utiliser ses pouvoirs d'ancien chef du FMI pour agresser sexuellement une femme et qui est maintenant impliqué dans un scandale lié à la prostitution?», a-t-il accusé.

«Qu'on lui donne ici une tribune pour s'exprimer est un affront à toutes les victimes d'agression sexuelle», a-t-il estimé.

Les charges pénales contre DSK, accusé d'agression sexuelle par Nafissatou Diallo, femme de chambre à l'hôtel Sofitel de New York, ont été abandonnées. Mais l'ex-patron du FMI, 62 ans, contraint à la démission à cause de cette affaire, a été rattrapé en France par le dossier dit «du Carlton», une affaire de proxénétisme.

L'avocat américain, invité par la section femme du syndicat étudiant CUSU, a aussi lu en anglais une déclaration de la part de Tristane Banon, qui avait déposé une plainte pour tentative de viol contre DSK, classée sans suite par la justice française.

«Inviter l'ancien chef du FMI vise à le réinsérer dans la vie publique et c'est une insulte aux femmes», a déclaré l'avocat au nom de la Française.

Dans l'assistance, un étudiant, Jamie Gibson, interrogé par l'AFP, juge que l'invitation de DSK, «au lendemain de la journée internationale de la femme (...) est légèrement de mauvais goût».

Depuis fin février, la venue de Dominique Strauss-Kahn fait des vagues. Est-ce l'impact de la polémique? La conférence doit faire salle comble et les tickets ont été tirés au sort à cause de l'affluence.

Au petit matin vendredi, les murs de la Cambridge Union Society ont été couverts de graffitis aux slogans vengeurs tels «à mort DSK», ou «les femmes méritent mieux!». Un homme de 20 ans et une femme de 21 ans ont été arrêtés sur les lieux, selon la police.

La section femme du CUSU a lancé une pétition, rassemblant plusieurs centaines de signatures et décidé d'organiser une contre-réunion et une manifestation.

«Grande figure du FMI», DSK «a des connaissances exceptionnelles dans son domaine. C'est la raison pour laquelle nous l'avons invité», a répondu la Cambridge Union Society.

«Nous ne retirerons pas notre invitation», a souligné l'association, qui a invité dans le passé le dalaï-lama et l'ancien leader d'extrême droite Jean-Marie Le Pen, et rappelle que «s'exprimer devant l'association n'implique pas une quelconque approbation ou un quelconque soutien».

Dans l'affaire du «Carlton», DSK doit être convoqué le 28 mars par la justice française pour être inculpé, notamment de complicité de proxénétisme, selon une source judiciaire. Il aurait pris part à des soirées libertines et l'enquête tente de déterminer s'il savait que les femmes qui y participaient étaient des prostituées.