L'Amérique que j'aime, elle se met elle-même en boîte. Dans de petites boîtes qui se rangent bien dans la bibliothèque. Des coffrets DVD, quoi. Cette Amérique-là, si elle se regarde le nombril, ce n'est pas pour se l'admirer. L'ironie et l'autodérision, la critique et le portrait non complaisant, sur fond d'histoire ancienne ou récente, de présent et même de futur, tout cela est au rendez-vous. Ou peut y être. Il restera toujours des trucs plus ordinaires, moins percutants. Mais la moyenne au bâton est, à mon sens, supérieure dans la fiction destinée au petit écran qu'au grand.

Merci pour cela à HBO, qui a révolutionné la télévision en osant des séries telles que Sex and the City et Six Feet Under on est loin de Dallas et de Dynasty , inspirant les autres diffuseurs (pas qu'américains, j'ose croire).

 

Et les téléspectateurs ne sont pas les seuls à bénéficier de cette audace. Que dire de ces acteurs has been qui ont refait surface dans des séries de qualité de William Shatner (Boston Legal) à Teri Hatcher (Desperate Housewives) en passant par Alec Baldwin (30 Rock), Kevin Dillon (Entourage) et Jason Bateman (Arrested Development) qui, lui, multiplie maintenant les rôles au grand écran après des décennies de vaches maigres (côté visibilité). Et que dire, aussi, de ces visages découverts par le plus grand nombre dans Lost, Alias et autre 24 et qui s'étalent maintenant en grand au cinéma Michael Cera, par exemple, vu et aimé dans Arrested Development et, par la suite, dans Juno, Superbad, Nick and Norah's Infinite Playlist.

Je vous propose donc un voyage totalement subjectif à travers l'Amérique télévisuelle que j'aime. Dix étapes pour 10 villes ou États, 10 regards sur leur «eux-mêmes», 10 séries qui racontent ce pays et ses gens. Sans les ménager. Ça déménage.

COLORADO

South Park

Autre incursion dans le politiquement incorrect : South Park, paradis de l'irrévérence depuis 1997. Je me rappelle encore le choc (ce n'est pas négatif) ressentit lorsque j'ai découvert ces personnages de papier découpé, ces quatre gamins de 8 ou 9 ans issus de l'esprit tordu de Trey Parker et Matt Stone qui abusent de vulgarité, abordent des sujets considérés tabous par nos voisins du Sud (et certains par nous-mêmes, soyons honnêtes!), et utilisent la satire comme une arme de destruction massive quand vient le temps de parler religion, sexualité, et autres sujets «délicats». Les «apparitions» en ces lieux de Michael Jackson, Mel Gibson et Tom Cruise sont parmi les plus mémorables. Mais pas pour toutes les oreilles.

DAKOTA DU SUD

Deadwood

Je n'aime pas les westerns (je ne m'en cache qu'auprès de mon père) et, pourtant, j'ai adoré Deadwood en particulier les deux premières saisons, moins la troisième qui tombe plus dans la politique que dans l'humain (et j'aime encore moins la politique que les westerns). On est à des années-lumière des «films de John Wayne» dans cette série qui se déroule dans la ville de Deadwood, à la fin des années 1870. Une ville sans foi ni loi où de pauvres hères atteints par la fièvre de l'or viennent chercher fortune. Ici, les rues sont boueuses, les prostituées sont moches, les vêtements sont sales. La langue est hargneuse. Les personnages, absolument fascinants dans toute leur horreur. Une page d'histoire de l'Amérique... et de la télévision américaine.

NEW YORK

Mad Men/30 Rock

La Grosse Pomme a été si souvent croquée par la télé qu'il n'en resterait que le trognon si ses capacités régénératrices (et inspiratrices) étaient moindres. J'ai donc choisi deux séries de qualité supérieure qui n'ont pas encore le succès populaire qu'elles méritent. Mad Men, c'est un retour dans les années 60, sur les traces de ces hommes (et les femmes dans leur ombres) pour qui la naissance de la société de consommation a été une véritable manne : ils s'en sont nourris jusqu'à plus soif en concevant des campagnes publicitaires. Et 30 Rock, une incursion dans les coulisses d'une émission de télévision du genre Saturday Night Live... écrite par Tina Fey, l'une des têtes d'affiche de SNL. Elle sait de quoi elle parle, et sait l'écrire.

BOSTON

Boston Legal

Je pourrais aimer Boston Legal simplement parce que cette série marque la résurrection de William Shatner, qui a été mon-capitaine-Kirk-à-moi pendant mon enfance. Je l'aime pour de meilleures raisons après tout, j'ai grandi (un peu). À travers des avocats plus ou moins à côté de la côté de la plaque de James Spader (le cynique Alan Shore) à William Shatner Denny Crane, qui se croit atteint de la maladie de la vache folle) en passant par Christian Clemenson Jerry Espenson, qui souffre d'une forme d'autisme) et des cas à première vue plus farfelus les uns que les autres, c'est une véritable et mordante critique de la société américaine (l'école, le système de santé, les forces armées...) qui s'étale ici. Du bonbon (acidulé).

PHILADELPHIE

It's Always Sunny in Philadelphia

Imaginez trois gars et une fille, totalement immoraux et sans ambition, propriétaires d'un bar dans un quartier «poche» de Philadelphie. Et prêts à toutes les bassesses. Devenir accro au crack pour toucher un chèque de bien-être social, coucher avec la mère de l'autre juste pour le narguer, etc. Bienvenue dans It's Always Sunny in Philadelphia. Une sitcom pas pour tout le monde. Chez moi, elle divise comme rarement une série l'a fait. Il y en a un qui fuit la maison dès que la musique d'intro, mélo-bonbon (à l'opposé du contenu) s'élève dans le salon. Quant à nous qui la consommons, c'est à dose raisonnable: plus de deux épisodes d'affilée, vous risquez la crise d'hystérie (les personnages carburent à cela, et c'est contagieux).

 

NEW JERSEY

The Sopranos

La publicité n'est plus à faire pour cette série parmi les plus aimées qu'est The Sopranos mais, bon, impossible de ne pas en faire mention dans ce voyage télévisuel transaméricain. Six saisons, 85 épisodes dont un dernier qui fait encore jaser ceux qui le découvre et près d'une centaine d'heures de bonheur dans les coulisses de la vie de Tony Soprano, chef de clan mafieux névrosé (le chef... et le clan aussi, quand on y pense bien) sans cesse aux prises avec les problèmes de sa famille et de sa Famille. Il y a là un ton, une écriture à couches multiples qui joue dans les enjeux psychologiques, sociaux, politiques et même philosophiques. Un programme de poids d'autant que l'intégrale s'achète et pèse 4,5 kilos.

LOS ANGELES

Californication/ Entourage

Boulot oblige (je ne me plains pas), je me rends plusieurs fois par année à Los Angeles pour rencontrer les acteurs et réalisateurs des films qui prennent l'affiche sur nos écrans. Être en présence de ces gens-là, c'est subir leur entourage. Les agents, les attachés de presse, les représentants des studios. Et chaque fois, j'ai l'impression de vivre un épisode d'Entourage. Dites-vous que cette série-là n'invente pas grand-chose . C'est aussi surréaliste que ça. Étant moins familière avec le quotidien des scénaristes (moins «vendeurs» pour les médias), je ne me prononce sur Californication que par sources interposées : selon elles, ce plaisir (coupable) aurait, lui aussi, son fond de réalité. Le fruit n'en est que plus délicieux, non?

LOUISIANE

The Riches

Pas un coup de foudre total, que The Riches dont je n'ai vu que la première saison étant donné que je ne consomme la télé qu'en DVD (ou presque) : les cinq premiers épisodes m'ont tenue en haleine ; les huit suivants, un peu moins. Mais il aurait été inconcevable que j'abandonne en cours de route cette famille style Bougon qui usurpe l'identité des bien nommés Riches. Parce que, et c'est pour cela que la série est de mon itinéraire, cette famille fait partie de ces «Travellers», nomades d'origine irlandaise qui seraient on ne sait trop combien exactement aux États-Unis car ils vivent hors du système, avec leurs «familles» et leurs codes. C'est cet aspect-là, cette micro-facette états-unienne qui fait la richesse... des Riches.

WASHINGTON, D.C.

The West Wing

Une série sur ce qui se passe à la Maison-Blanche? Non merci. Ça a été ma première réaction. Et celle de la plupart de ceux à qui j'ai, après avoir changé d'avis, conseillé The West Wing. Surtout pour ses trois premières saisons et sa septième où, après une période d'inspiration molle (le départ d'Aaron Sorkin, le créateur de la série, n'y est pas étranger), le récit a repris du poil de la bête en suivant la campagne électorale de deux aspirants à la présidence américaine. On découvre donc, pendant sept ans, le quotidien du président démocrate Jed Bartlet, de sa famille et de ses collaborateurs (chef du cabinet, secrétaire général, directeur des communications, etc.). C'est extrêmement bien joué, écrit, interprété. Et très instructif.

BALTIMORE

The Wire

L'une des séries que je conseille le plus par les temps qui courent. En prenant le temps de préciser: ce ne sera ppeut-être pas le coup de foudre immédiat. Les personnages sont nombreux, beaucoup ont des gueules pas vraiment hollywoodiennes et des personnalités ambiguës. Les intrigues sont touffues, l'univers est sombre, la langue est... disons, tout sauf châtiée. Mais cette incursion dans les rues de Baltimore, dans ses forces de l'ordre et ses «forces du mal», ses établissements scolaires, ses médias, présente un portrait percutant, sans compromis d'une ville qui pourrait être à peu près n'importe quelle ville nord-américaine. The Wire, c'est cinq saisons maintenant regroupées en un seul coffret. Et c'est un cadeau formidable à vous faire.

The Sopranos