À deux jours de la prestation de serment du premier président noir des États-Unis, la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, y voit «un pas majeur non seulement pour les États-Unis et pour les Noirs de ce monde, mais aussi pour l'humanité».

De passage dans la première république noire du monde, Mme Jean a rappelé que le pays qui a élu Barack Obama est celui-là même qui a fondé sa prospérité sur la ségrégation raciale.

 

Mme Jean anticipe une «affinité» entre Barack Obama et Haïti, son propre pays d'origine. À un moment de leur histoire, les États-Unis et Haïti ont tous deux senti la nécessité de s'affranchir «au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité», a expliqué la première gouverneure générale noire du Canada.

Tout en précisant ne pas avoir parlé au politicien ni l'avoir rencontré, Mme Jean croit que «M. Obama sait très bien aussi que cette histoire vécue en Haïti est aussi un peu la sienne». «On peut espérer que ce sera un renfort de plus, peut-être, dans l'esprit de solidarité et d'accompagnement avec Haïti», a indiqué Mme Jean, «l'enfant du pays», comme on la surnomme ici.

La première ministre d'Haïti, Michèle Pierre-Louis, partage l'enthousiasme de Mme Jean. Le 4 novembre dernier, jour de l'élection présidentielle américaine, elle se trouvait aux États-Unis. Elle s'est empressée d'envoyer un mot à Barack Obama, adressant les félicitations de «la première république noire au premier président américain noir», raconte Mme Pierre-Louis, qui a étudié aux États-Unis.

La dirigeante âgée de 60 ans compare l'élection de Barack Obama à la révolution haïtienne de 1804, «unique et transcendante». «C'est un symbole de combat. Le parcours d'Obama nous porte à réfléchir. Il nous montre qu'on ne peut pas attendre les bras croisés qu'il se passe quelque chose», explique cette nouvelle venue en politique.

Elle ne se fait toutefois pas d'illusion sur l'intérêt que la Maison-Blanche portera à Haïti. «Il y a 10 000 autres choses qui préoccupent les Américains: la crise financière, l'Afghanistan, l'Irak, l'Iran, la Chine, etc. Nous devrons leur montrer qu'on sort de nos luttes intestines, des coups d'État, de l'instabilité politique, bref que nous devenons des adultes compétents préoccupés par l'avenir du peuple haïtien», conclut-elle.

Club Barack Obama d'Haïti

À Port-au-Prince, des admirateurs du futur président des États-Unis ont fondé le club Barack Obama d'Haïti l'été dernier. À l'occasion de l'assermentation, mardi, le club fera dire une messe dans une église évangélique baptiste de Pétionville, le quartier riche de la capitale.

«Nous prierons pour qu'Obama suscite un mouvement de réveil spirituel, social et collectif. Et nous prierons aussi pour qu'un homme de son envergure dirige un jour Haïti», explique le président-fondateur du club, Me Osner Févry, avocat qui a fait des études au Canada et aux États-Unis. Le club installera des téléviseurs dans l'église pour pouvoir suivre en direct la cérémonie de prestation de serment.

Chaque week-end, ce club formé d'une centaine de professionnels, d'intellectuels et d'étudiants haïtiens se réunit pour débattre de la vision qu'a Barack Obama de l'Amérique. «En Haïti, les dirigeants et les gens d'affaires ont tendance à être très conservateurs. Nous voulons diffuser les idées sociales d'Obama et les mettre en contraste avec les idées néolibérales de nos décideurs», ajoute Me Févry.

Haïti est le pays le plus pauvre d'Amérique. Pendant près de 30 ans, la famille Duvalier y a imposé un régime dictatorial, qui a été suivi d'une période d'instabilité politique. En avril dernier, les émeutes de la faim ont causé le départ du premier ministre du pays, Jacques-Édouard Alexis, qui a été remplacé en août par Michèle Pierre-Louis.