Les Américains viennent-ils de réussir le plus grand coup de marketing de l'histoire?

En passant d'un président universellement mal-aimé à un président désigné le plus populaire depuis des décennies, les États-Unis viennent de changer leur image de façon radicale.

Presque du jour au lendemain, la superpuissance belliqueuse et isolationniste est redevenue un phare de la démocratie, un exemple de la suprématie des idéaux sur le cynisme et les vieux démons du racisme.

 

Et personne n'est mieux placé pour le constater que les immigrés.

Originaires du Canada, d'Europe et d'ailleurs, ils ont choisi d'habiter aux États-Unis. Sous Bush, leur situation inquiétait leurs compatriotes et suscitait les railleries.

Depuis l'arrivée d'Obama, par contre, le téléphone s'est remis à sonner. Les amis sont euphoriques. C'est le retour du balancier: les États-Unis sont à nouveau cool.

«Il y a plusieurs années, quand j'ai annoncé à mes voisins que je déménageais aux États-Unis, ils m'ont dit: Oh, tu passes en territoire ennemi», explique Randolf Hillebrand, un Allemand de 36 ans qui habite à Santa Monica, en Californie. «C'était au début de la guerre en Irak. Les gens en avaient ras le bol de l'attitude des États-Unis.»

Aujourd'hui, M. Hillebrand, qui dirige une agence de marketing en ligne, sent que le vent a tourné à 180°.

«Maintenant, les gens me demandent de leur rapporter des affiches d'Obama quand je rentre en Allemagne, dit-il. J'ai aussi des amis qui planifient un voyage aux États-Unis, ce qu'ils n'auraient pas fait sous Bush. La victoire d'Obama a amené beaucoup de bons sentiments. Les gens voient désormais le pays sous un jour favorable.»

Pour Nicolas Bertrand, un Québécois qui habite et travaille aux États-Unis depuis bientôt cinq ans, le changement de mentalité a été très rapide: «Avant, je devais toujours argumenter avec mes amis au Québec. Je leur disais que les Américains ne sont pas tous comme Bush, qu'il y a beaucoup de gens progressistes, ici. Depuis la victoire d'Obama, tout le monde le sait. Je n'ai plus besoin de toujours m'expliquer.»

L'un des résultats de la victoire d'Obama, dit-il, aura été de changer la perception que les Américains ont d'eux-mêmes. «Il y a quelques années, plusieurs Américains me disaient qu'ils songeaient à immigrer au Canada ou en Europe. Ça revenait souvent dans les conversations. Aujourd'hui, les gens sont soulagés et optimistes. Ils trouvent que leur pays est à nouveau intéressant.»

La crise économique calme le jeu

Baptiste Andrieux, un Français propriétaire d'une firme d'effets spéciaux à Los Angeles, a émigré aux États-Unis en 2001. Il dit avoir vu ses compatriotes changer d'opinion face aux États-Unis depuis quelques mois.

«Avec Obama, on retrouve l'Amérique de la démocratie, l'Amérique pionnière, l'Amérique qui fait rêver. Il y a un enthousiasme fou autour de lui. Tout le monde l'aime.»

Or, la déroute de Wall Street et la récession qui s'installe ont, une fois de plus, montré à la face du monde que l'Amérique n'est pas nécessairement un exemple pour le reste du monde.

«La planète entière souffre parce que les Américains ont voulu s'en mettre plein les poches, dit M. Andrieux. Il y a une soif du profit qui est incroyable, un capitalisme complètement débridé. C'est difficile de ne pas montrer les Américains du doigt pour ces excès.»

Nicolas Bertrand partage cette critique. «La récession est directement liée à une certaine irresponsabilité des États-Unis. Je crois que tout le monde en est conscient. En ce sens, l'élection d'Obama ne change pas toute la donne. Mais disons qu'avec lui le capital de sympathie des Américains est revenu en territoire positif. C'est déjà tout un changement.»