Les combattants kurdes qui défendent la ville syrienne de Kobané assiégée par les djihadistes vont recevoir le renfort de 1300 hommes de l'Armée syrienne libre (ASL, opposition modérée), a affirmé vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan, une annonce accueillie avec méfiance par des dirigeants kurdes, qui préféreraient qu'ils ouvrent d'autres fronts en Syrie contre les djihadistes.

«Le PYD (Parti de l'union démocratique, le principal parti kurde syrien) a accepté (le renfort de) 1300 hommes de l'ASL, ils sont en pourparlers pour définir le chemin par où ils passeront», a déclaré M. Erdogan à Tallinn lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue estonien Toomas Hendrik Ilves.

Dans un entretien accordé vendredi à l'agence de presse kurde Firatnews, le chef du PYD Saleh Muslim a cependant catégoriquement démenti le chef de l'État turc.

«Ce n'est pas vrai. Il n'existe aucune déclaration de l'Armée syrienne libre sur un tel accord», a assuré M. Muslim, qui a accusé la Turquie de «vouloir créer la confusion».

Jeudi, un commandant rebelle syrien, le colonel Abdel Jabbar al-Okaidi, ancien membre de la direction de l'ASL, disait pourtant que ses troupes «se rendraient à Aïn al-Arab (Kobané en arabe, NDLR) dans les 36 prochaines  heures», en passant par la Turquie.

Alors que l'arrivée de ces renforts rebelles semble encore hypothétique, Kobané devrait en revanche recevoir la semaine prochaine l'aide de quelques dizaines de peshmergas, des combattants armés de la région autonome du Kurdistan irakien.

Ces peshmergas - au maximum 200 selon un porte-parole de cette région - devraient passer par la Turquie, qui a autorisé la semaine dernière leur passage pour rallier Kobané, située à la frontière syro-turque et assiégée depuis plus d'un mois par les djihadistes du groupe État islamique (EI).

À Tallin, le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que le PYD (Parti de l'union démocratique, principal parti kurde syrien), dont le bras armé (YPG) est en première ligne à Kobané, avait accepté le renfort de 1300 hommes de l'Armée syrienne libre (ASL, opposition modérée).

Deux responsables kurdes syriens, interrogés par l'AFP, ont fait part de leur scepticisme. Selon le porte-parole du PYD en Europe, Nawaf Khalil, et le porte-parole des YPG, Bulat Jan, il serait plus utile que les rebelles ouvrent d'autres fronts contre l'EI dans le nord de la Syrie.

Lors de sa conférence de presse, M. Erdogan a également précisé que, finalement, seuls 150 combattants kurdes irakiens, les peshmergas, devraient rejoindre Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe) en passant par le territoire turc.

«Je viens d'être informé que le nombre de peshmergas a été réduit à 150», a-t-il indiqué, après avoir annoncé la veille que ces combattants seraient 200.

Les autorités turques ont annoncé lundi qu'elles autorisaient le passage par leur sol de renforts de peshmergas irakiens à destination de Kobané, située à quelques kilomètres à peine de la frontière turque.

«Comme vous le savez, nous nous sommes mis d'accord dans nos discussions avec (le président américain Barack) Obama pour que l'ASL soit notre premier choix (pour des renforts à Kobané) et les peshmergas le second», a expliqué M. Erdogan.

Contrairement aux États-Unis, le gouvernement islamo-conservateur turc est opposé à toute aide directe aux combattants des Unités de protection du peuple (YPG), la branche armée du PYD à la pointe du combat contre les djihadistes du groupe État islamique (EI).

M. Erdogan accuse le PYD d'être un mouvement «terroriste» frère du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le mouvement kurde turc qui mène depuis 1984 contre Ankara une rébellion qui a fait plus de 40 000 morts.

La Turquie s'est à l'inverse déclarée prête à fournir une aide militaire et une formation aux combattants de l'ASL, proches de l'opposition modérée au président syrien Bachar al-Assad, bête noire des autorités d'Ankara.

Plus de 600 frappes

Dans le nord de Kobané, l'EI tentait de nouveau vendredi de progresser vers le poste-frontière de Mursitpinar, menant de nombreux tirs de mortier. D'après une journaliste de l'AFP postée du côté turc de la frontière, l'un de ces obus a touché le territoire turc, explosant à 200 mètres des soldats turcs.

Les djihadistes visaient aussi les combattants kurdes ayant pris position sur une colline bombardée jeudi par la coalition, où ils ont remplacé le drapeau de l'EI qui y flottait par le drapeau vert, jaune et rouge des YPG.

Pour empêcher Kobané de tomber, la coalition menée par les États-Unis y procède depuis le 23 septembre à des raids quotidiens.

Entre la Syrie et l'Irak, où la coalition opère depuis le 8 août, plus de 600 frappes aériennes ont été menées et plus de 1700 bombes larguées, a détaillé jeudi le Commandement militaire américain chargé de la région (Centcom).

Selon l'OSDH, plus de 500 djihadistes, principalement de l'EI, ont été tués dans les raids aériens menés en Syrie.

En Irak, un centre d'entraînement des djihadistes a été détruit près de Kirkouk (nord) par des avions de la coalition internationale, notamment des Rafale français, a indiqué le chef d'état-major des armées françaises, Pierre de Villiers. Il s'agit de la septième frappe de la France en Irak.

L'EI avance à Anbar

En dépit de l'appui aérien international, les djihadistes ont enregistré des avancées en Irak ces derniers jours.

Dans le nord, ils assiègent de nouveau le mont Sinjar, où s'étaient réfugiés début août des milliers de civils de la minorité yazidie fuyant devant l'avancée du groupe extrémiste.

Plus au sud, ils se sont emparés d'une nouvelle zone de la province d'Al-Anbar, à l'ouest de Bagdad, quasiment entièrement sous leur coupe.

Mais l'armée irakienne ne sera pas en mesure de lancer une grande offensive pour reprendre le territoire cédé à l'EI avant plusieurs mois, a indiqué jeudi un responsable de l'armée américaine sous couvert d'anonymat.

Les militaires, en pleine déroute lors de l'offensive fulgurante qui a vu les djihadistes s'emparer de pans entiers de territoire en juin, restent surtout en position défensive, selon le Centcom.

Plusieurs experts ont déjà souligné que les frappes de la coalition seraient plus efficaces si l'armée irakienne donnait le tempo sur le terrain en passant à l'offensive et en forçant les djihadistes à réagir.

Face à cette situation, des responsables et des chefs de tribus sunnites ont appelé la coalition à envoyer des troupes au sol. Mais le premier ministre Haïdar al-Abadi a répété qu'il était opposé à la présence de forces étrangères sur son territoire.