Le chaos règne toujours en Égypte, où la dissolution du gouvernement et l'intervention des forces de l'ordre, durant le week-end, n'ont rien fait pour calmer un soulèvement populaire sans précédent. Au sixième jour de la révolte, le régime Moubarak se trouve désormais sur la corde raide.

L'Égypte est le théâtre de sa plus importante contestation depuis l'accession au pouvoir du président Hosni Moubarak, en 1981. Les manifestations antigouvernementales, qui ont commencé le 25 janvier, ont été précédées de cinq cas d'immolation, geste qui a servi d'étincelle pour déclencher la révolution qui a renversé le régime Ben Ali en Tunisie il y a quelques semaines.

Pour tenter de calmer le jeu, le président Moubarak a décidé samedi de dissoudre son gouvernement. Pour la première fois depuis son arrivée à la tête du pays, il a nommé un vice-président, Omar Souleimane. L'homme de 74 ans dirige ses services de renseignement depuis près de deux décennies. Le président a également nommé un nouveau premier ministre, Ahmed Shafiq, ancien officier de l'armée de l'air qui venait de perdre son poste à la tête de l'Aviation civile. Selon plusieurs observateurs, le chef de l'État égyptien s'est tourné vers les militaires pour insuffler une image de fermeté à son régime durement ébranlé.

Ces nouvelles nominations n'ont toutefois pas apaisé la grogne populaire. Dans la nuit de samedi à hier, des groupes de manifestants armés ont attaqué au moins quatre prisons du pays, libérant des milliers de prisonniers. Parmi eux figureraient 34 membres des Frères musulmans, dont au moins sept hauts responsables, a indiqué l'avocat du mouvement d'opposition. Plusieurs détenus auraient été tués ou blessés durant les mutineries. Dans des rues du Caire, des groupes de jeunes gens armés de pistolets et de bâtons ont saccagé des voitures, pillé des commerces et dévalisé des passants.

Couvre-feu prolongé

Les manifestations se sont également poursuivies dans tout le pays. Essentiellement, on reproche au gouvernement de ne rien faire contre la pauvreté, le chômage, la corruption et la brutalité policière. Depuis le début de la révolte, les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants auraient coûté la vie à au moins 125 personnes.

Le gouvernement égyptien a réagi en ordonnant hier soir aux policiers de retourner dans les rues du pays, qu'ils avaient subitement désertées vendredi. Hier, l'armée a rapporté l'arrestation de plus de 3000 évadés et «fauteurs de troubles». Le couvre-feu en vigueur au Caire, à Suez et à Alexandrie a également été prolongé d'une heure. À compter d'aujourd'hui, il sera en vigueur de 15h à 8h. Des avions de combat ont par ailleurs survolé la capitale à basse altitude hier après-midi à l'approche du couvre-feu.

Durant deux jours, des quartiers entiers ont cependant été laissés à eux-mêmes. L'armée, appelée à la rescousse vendredi soir, protège des immeubles gouvernementaux et des lieux touristiques comme le Musée égyptien du Caire, mais elle n'intervient pas contre les incendiaires et les pillards qui sévissent ailleurs.

ElBaradei

Le Prix Nobel de la paix et ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohamed ElBaradei a été désigné hier par l'opposition égyptienne pour «négocier» avec le régime Moubarak. Il a promis «une ère nouvelle» aux manifestants réunis hier sur la place Tahrir, au Caire. «Je vous demande de patienter, le changement arrive», a-t-il déclaré en s'adressant aux milliers de manifestants réunis dans le centre de la capitale malgré le couvre-feu.

La chaîne Al-Jazira, qualifiée de CNN du monde arabe, a annoncé en fin de semaine que les autorités égyptiennes avaient ordonné la fermeture de son bureau du Caire et retiré les accréditations de ses journalistes.

Avec l'Agence France-Presse et The Associated Press