L'avenir du mouvement Occupons Montréal est sérieusement compromis. À l'approche de l'hiver, la Ville a demandé aux occupants du square Victoria de cesser d'y construire des abris et de démanteler «le plus rapidement possible» ceux déjà en place. Seules les tentes étant désormais tolérées, les indignés accusent Montréal de vouloir laisser au froid l'odieux de les expulser.

Une rencontre a eu lieu mardi après-midi entre la Ville et des représentants des manifestants campant au pied de la tour de la Bourse depuis maintenant plus de trois semaines. Les indignés voulaient présenter des plans pour aménager des cabanes en bois afin de permettre à environ 80 d'entre eux de poursuivre l'occupation au cours de l'hiver. Montréal a toutefois opposé un refus net, demandant même «un arrêt des constructions et le retrait des constructions semi-permanentes ou en bois», a indiqué Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville. Bref, seules les tentes seront désormais tolérées.

Pas d'ultimatum

Assurant maintenir sa politique de tolérance à l'égard des indignés, Montréal n'a pas fixé d'ultimatum, mais espère voir les occupants retirer le plus rapidement possible leurs abris «solides». L'administration municipale dit agir sur la recommandation de son Service incendie qui juge élevé le risque d'incendie en raison de la prolifération des constructions en bois. «On ne cherche pas à expulser les gens du terrain, on ne cherche pas à restreindre leur liberté d'expression, c'est d'éliminer les risques qui pourraient causer des accidents, particulièrement des incendies», a précisé M. Nunez.

Arrivés confiants, les quatre indignés qui ont rencontré les fonctionnaires de l'arrondissement de Ville-Marie sont ressortis le visage long. «Ils ont un double discours. D'un côté, ils nous disent qu'on n'a pas le droit de construire d'habitations, mais de l'autre, si des gens meurent de froid dans leur tente, ils vont nous mettre dehors. Dans le fond, ils veulent laisser le froid nous sacrer à la porte, ce qu'on n'acceptera pas», a dénoncé Marc Laramée, l'un des représentants d'Occupons Montréal.

Après s'être pliés à la «dictature» de la Ville depuis trois semaines pour éviter de lui donner des munitions pour les expulser, les manifestants risquent maintenant de cesser de respecter à la lettre les règlements municipaux. «Pour faire l'occupation, on n'a pas demandé la permission. Alors, on est là pour dire qu'on va isoler nos tentes pour que ce soit le plus sécuritaire possible, le plus résistant possible au feu. On ne veut pas que nos camarades meurent de froid cet hiver», a lancé Marc Laramée. Il a ajouté: «Si ça devient impossible de faire ce qu'on a à faire, on peut clore la discussion là.»

Il s'agissait de la première rencontre formelle entre les indignés et la Ville. Des représentants du service de police, des incendies, de l'arrondissement de Ville-Marie et du cabinet du maire Tremblay étaient présents. Aucun élu n'a toutefois pris part à la rencontre.

En plus de demander le retrait des abris solides, la Ville a demandé le retrait des meubles inutilisés et des tentes abandonnées. Des cols bleus seront également envoyés sous peu pour retirer le matériel que plusieurs occupants ont accumulé pour ériger leur campement, comme des planches de bois et d'autres matériaux.

Après le froid, la salubrité

Après le froid, la Ville de Montréal se dit également de plus en plus préoccupée par la salubrité des aliments préparés sur place. «La préparation et la manipulation des aliments sur le square ne respectent pas toutes les conditions sanitaires. On a vraiment une préoccupation sérieuse sur la façon de préparer et servir les repas sur place», a indiqué M. Nunez. Il reste à voir si des inspecteurs municipaux iront sur le square pour y interdire la production de nourriture. La Ville dit simplement étudier la question pour l'instant.

Au-delà de leur plan pour passer l'hiver au square Victoria, les occupants ont profité de la rencontre pour demander l'aide de la Ville afin de gérer la présence de plus en plus importante de sans-abri, toxicomanes et gens atteints de troubles mentaux attirés par la nourriture gratuite et les vêtements chauds distribués. Encore une fois, ils ont essuyé un refus de la Ville. «Les services sociaux relèvent du gouvernement du Québec», a répondu Gonzalo Nunez.