En pleine nuit ce mardi, un bruit assourdissant est venu tirer les indignés d'Occupons Montréal de leur sommeil. Le conducteur d'une Mercedes a percuté un poteau situé au nord du square Victoria. À vive allure, il est passé à quelques mètres des tentes plantées là.

Le conducteur présentait un taux d'alcoolémie «limite» selon un policier sur place, mais dans les frontières de la légalité. L'événement a toutefois provoqué une commotion dans le parc du centre-ville.

La Presse a passé la nuit marquant le premier mois d'Occupation Montréal avec les «indignés», et a constaté que le parc ne dort jamais.

«Faudrait qu'il y en ait un qui fasse une ronde sur l'île aux pirates -l'îlot ouest du square Victoria. Et ça me prend absolument quelqu'un pour faire des allers-retours devant la cuisine», lance Dominic Aubert-Laroche, une fois le calme revenu.

Mi-trentaine, lampe frontale allumée, il surveille le parc jusqu'au lever du jour pendant qu'environ 200 personnes se trouvent sous la tente. Quatre hommes le soutiennent et détaillent chaque véhicule suspect dans leur émetteur-récepteur.

«On a eu des vols de génératrices, et des agressions sous la tente, mais pour ça, je ne donnerai pas de détails», laisse échapper Dominic, avant d'ajouter que tout a été «réglé à l'interne».

Au fil des semaines, Occupons Montréal a attiré des participants d'horizons différents. Le groupe doit apprendre à cohabiter avec des personnes sans domicile fixe, ou encore souffrant de troubles psychiatriques. Sans compter les passants, parfois éméchés.

Chaque nuit, un groupe comme celui de Dominic surveille donc le site.

«Nous sommes des agents de sensibilisation à la pacification», explique Dominic, qui refuse l'utilisation du terme «sécurité».

«La sécurité, quand on utilise ce mot-là dans les mouvements militants, c'est comme si on trouvait une nouvelle raison pour nous frapper dessus», explique Vincent, un autre occupant.

Après un mois, toujours confiants

Le 15 octobre dernier, un petit groupe s'est installé à l'ombre de la statue du square Victoria et de symboles comme la tour de la Bourse, l'hôtel W, le Centre de commerce mondial et le siège social de Quebecor.

Occupons Montréal compte maintenant ce qu'il appelle «un noyau dur» d'environ 200 participants, déterminés à y passer l'hiver. Après un mois au centre-ville, le groupe estime qu'il a touché l'opinion publique. «On est rendus à la porte de toutes les villes, et une majorité de Québécois nous soutient!» croit fermement Vincent.

Les indignés entendent maintenant installer des tentes de style prospecteur pour adoucir les rigueurs de l'hiver. Ils prévoient aussi demander à nouveau à la Ville de Montréal la permission de construire des abris solides.

Enfin, plusieurs espèrent que la cuisine, présentement sous une toile de plastique, soit remplacée par un camion de type «cantine».

Conscient que la collaboration de l'administration Tremblay demeure incertaine, le groupe prépare aussi des plans en cas d'éviction.

«Beaucoup y réfléchissent, explique Curt, l'un des occupants. On se retirerait, pour revenir en force ailleurs.»

Il ajoute que l'expérience du square Victoria est positive, malgré la surveillance constante nécessaire. Il assure que les ennuis viennent de l'extérieur du campement.

«Moi je trouve que c'est un exemple humain à part entière qui est vraiment pertinent parce que les gens se respectent ici. Ils apprennent à cohabiter peut-être pour la première fois.»