Bagarres en série, menaces de mort, tente convertie en piquerie: Occupons Montréal a vécu une dure fin de semaine alors que plusieurs conflits violents ont éclaté samedi et dimanche. Plusieurs indignés de la première heure ont décidé de quitter le square Victoria, mais un noyau dur souhaite sauver ce qui reste du mouvement en expulsant ceux qu'ils qualifient «d'indésirables».



«C'est rendu trop dangereux, je m'en vais avant qu'il soit trop tard», a lancé l'un des occupants de la première heure, dimanche soir, alors qu'il pliait bagage. «On est là pour changer le système, mais on passe nos journées à faire du travail social.»

La présence maintenant majoritaire d'itinérants, de toxicomanes et de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale provoque de plus en plus d'affrontements au square Victoria, occupé depuis le 15 octobre. Une série d'incidents survenus dans la nuit de samedi à dimanche a eu raison de la détermination de plusieurs d'entre eux.

Au moins trois bagarres ont éclaté et une des personnes qui tentait de mettre fin à la pluie de coups a été menacée à la pointe d'un couteau. D'autres personnes ont été menacées de mort. Les occupants ont découvert dimanche matin une tente remplie de seringues et de condoms souillés. Bref, une piquerie improvisée avait vraisemblablement pris racine au square Victoria.

«On a un problème avec l'itinérance, la consommation de drogue, la sécurité la nuit et c'est la goutte qui fait déborder le vase», déplore Marc Laramée, présent depuis le début. Une véritable crise parmi les principaux organisateurs du mouvement a éclaté dimanche soir à la suite des incidents du week-end. Pendant que plusieurs continuaient à consommer de l'alcool et des drogues dans la partie sud du square Victoria, une vingtaine d'indignés se sont rassemblés du côté nord pour tenter de trouver une solution aux problèmes d'itinérance et de toxicomanie.

Excédés, certains ont annoncé qu'ils partaient, estimant perdre leur temps à gérer des crises quotidiennes. D'autres qui menaçaient de partir ont fini par décider de rester, mais à la condition d'expulser les «indésirables». «Si ce n'est plus sécuritaire, ce n'est plus acceptable. Il faut qu'on puisse jeter des gens dehors», a notamment plaidé Marc Laramée.

Deux policiers sont toutefois arrivés sur place dimanche soir avant que le groupe ne passe à l'acte afin de calmer les esprits et empêcher que cette «opération de nettoyage», selon les termes d'un indigné, ne tourne à l'affrontement ouvert. Les occupants ont demandé une présence policière soutenue pour chasser les indésirables du mouvement, mais les agents ont expliqué qu'ils ne pouvaient d'un côté continuer à tolérer une partie des occupants et, de l'autre, en expulser certains.

Déterminé à ramener l'ordre dans le camp, le noyau des indignés a décidé de refuser de nourrir à partir d'aujourd'hui les gens qui ne prêtent pas main-forte à l'organisation du camp. Pour recevoir leur ration, les gens devront prouver qu'ils ont participé. Si cette mesure ne suffit pas à éloigner les indésirables, certains proposent d'entourer leur tente et de les forcer à quitter le campement.

La Ville de Montréal dit être au courant des problèmes créés par la présence grandissante d'itinérants et de toxicomanes. «C'est une situation qui nous préoccupe et on va examiner ça de très près au cours des prochains jours. Plusieurs incidents nous ont été rapportés par les occupants eux-mêmes et, même s'il n'y a pas eu d'arrestations, nous allons nous pencher sur la situation au cours des prochains jours», a indiqué Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville de Montréal.

La Ville préoccupée par la santé des itinérants

Montréal se dit également préoccupée pour la santé même des itinérants et toxicomanes. «Lorsque ces personnes se retrouvent au square Victoria ou y passent la nuit dans une tente, elles ne reçoivent pas l'aide qu'elles pourraient recevoir auprès des organismes spécialisés, ce qui n'est pas une façon des les aider ni d'améliorer leur état de santé», a ajouté Gonzalo Nunez.

Ces tensions au sein du mouvement surviennent alors que les indignés ont passé la fin de semaine à démanteler toutes leurs structures en bois pour éviter d'être évincés par la Ville. Les cols bleus de Montréal ont d'ailleurs rempli sept camions d'objets et de matériaux encombrants, dimanche.

Les indignés viennent également de se procurer sept tentes militaires pouvant accueillir chacune 10 personnes. Mais voilà, la toute première tente érigée a été vandalisée et démontée par un groupe qui n'acceptait pas d'être déménagé pour lui faire place.

«Si la Ville de Montréal espérait que le froid nous chasse, elle va être déçue. Ces tentes sont conçues pour des températures allant jusqu'à moins 40», a affirmé Lila Tajeddine, alors qu'elle s'affairait à monter une tente avec un petit groupe de manifestants. Gonzalo Nunez a indiqué pour sa part que Montréal allait se «pencher sur la présence des tentes dites "de l'armée", mais de prime abord, la Ville ne voit pas d'un bon oeil l'ajout de nouvelles installations au square Victoria».

- Avec Daphné Cameron