«Et n'est pas fini, c'est rien qu'un début» pourrait bien être le nouvel hymne des indignés. Vingt-quatre heures après le démantèlement forcé de leur campement, ils étaient de retour cet après-midi au square Victoria pour tenter de donner un nouveau souffle au mouvement.

L'émotion était vive sur la «Place des peuples». Les indignés revenaient pour la première fois sur les lieux qu'ils ont occupés pendant un mois et demi. Les étreintes, accompagnées tantôt de larmes, tantôt de sourires, étaient nombreuses. «Ça a été une expérience incroyable qui a été extrêmement éprouvante, mais qui a été extrêmement créative aussi, a remarqué Vincent Boisonneault. On a vécu une gamme très large d'émotions au cours du dernier mois et demi. De revenir ici et qu'il n'y ait plus de tentes, plus de cuisine, ça nous fait quelque chose.»

Réunis en assemblée générale, les indignés sont revenus sur les événements d'hier. Rappelons qu'en avant-midi hier, les policiers ont expulsé les indignés du square Victoria, exécutant ainsi un avis d'éviction émis par la Ville de Montréal mercredi soir. «Nous avons vécu une fois de plus une décision qui porte atteinte au droit d'expression, d'association et de manifestation pacifique qui sont les fondements mêmes de la démocratie», a lancé un indigné, qui a ensuite remercié les policiers «d'avoir exécuté avec dignité les exigences du maire».

Présents au rassemblement, le porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir, a décoché une flèche à l'endroit du maire de Montréal, Gérald Tremblay. «Il a évoqué des problèmes de sécurité, de drogues, de santé, a déclaré M. Khadir. Je me demande comment est-ce que M. Tremblay se voit dans le miroir ce matin? Ces problèmes existent dans sa ville. Pourquoi il n'applique pas la même médecine à lui-même? Il devrait peut-être décamper de l'hôtel de ville.»

Une fois les plaies de la veille pansées, les indignés ont discuté de la nouvelle phase qui s'amorce. «La fin du campement était un boost nécessaire pour nous pousser vers l'avant, a confié Éric Robertson, un indigné de la première heure. On dépensait plus d'énergie à assurer le fonctionnement et la sécurité du site qu'à faire passer notre message.»

«Concentrer ses énergies sur le fonctionnement du camp était nécessaire à une certaine étape, pour que les gens travaillent ensemble dans un lieu physique, a observé Paul Bode. Je pense que c'est quelque chose qui a vraiment rassemblé les gens et créé des liens. Oui c'était très difficile de gérer ce camp. Et maintenant, je suis content qu'on puisse mettre nos énergies ailleurs.»

S'établir ailleurs

Si l'établissement d'un campement de l'ampleur de celui du square Victoria n'est pas envisagé pour l'instant, les indignés espèrent toutefois trouver un endroit où un certain nombre de personnes pourront vivre ensemble. «On veut créer des espaces virtuels et des espaces décentralisés dans les quartiers, mais on veut aussi garder un noyau physique d'une centaine de personnes qui vont travailler et vivre ensemble», a indiqué Paul Bode.

Diverses avenues sont étudiées. Plusieurs ont été séduits par l'idée d'installer leurs quartiers généraux à l'intérieur d'une église. Une idée qui a été lancée par l'abbé Raymond Gravel, présent au rassemblement. Les indignés demandent également à la Ville de Montréal de leur donner accès à la station de pompage Craig, située non loin du pont Jacques-Cartier, pour y établir un lieu de diffusion culturel. La possibilité de tenir des rassemblements chaque samedi au square Victoria a aussi été évoquée.

«Il y aura sans aucun beaucoup d'actions de visibilité et d'actions directes qui vont être prises, toujours sous le signe de la non-violence, mais disons que ça pourrait être plus perturbateur que ça a été jusqu'à maintenant, avertit Vincent Boissonneault. Il fallait être particulièrement collaboratif et ne pas faire trop de vagues pour garder le campement ouvert. Ce qu'il faut que les autorités municipales comprennent, c'est qu'ils ont perdu ce levier-là.»

Quelques centaines de personnes étaient rassemblées au pied de la statue du square Victoria cet après-midi pour appuyer Occupons Montréal. Parmi elles, environ 60 membres du syndicat de la CSN-Construction provenant de plusieurs régions du Québec. «Nos valeurs correspondent à leur indignation, a noté le président de la CSN-Construction, Aldo Miguel Paolinelli. Le système dit qu'on a la liberté de parole et la liberté de s'exprimer, mais quand on s'exprime de cette manière-là, ça incommode le système qui ne sait pas comment les évincer alors il argumente toutes sortes de questions de sécurité.» Le groupe Bran Van 3000, les Zapartistes et Paul Cargnello sont également venus appuyer Occupons Montréal en présentant un spectacle en fin d'après-midi.