Con Kimura avait reçu le plus gros bonus de sa vie quand il travaillait pour Donald Trump à Atlantic City en 1984. Mais il ne votera pas pour lui à la présidentielle.

«Jamais, au grand jamais», déclare le retraité de 64 ans à l'AFP, à l'extérieur du casino fermé où il travaillait, sur la célèbre promenade en bord de mer de la ville côtière américaine.

Con Kimura était de 1984 à 1988 responsable d'étage au casino Trump Plaza. A l'époque, le milliardaire new-yorkais, désormais candidat à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle, était un héros dans la ville du New Jersey.

Il y avait lourdement investi, apportant paillettes et glamour, après que la ville eut autorisé les jeux d'argent, dans un effort pour aider son économie chancelante. Les touristes avaient suivi.

Donald Trump y employait des milliers de personnes. Trois de ses casinos, le Trump Plaza, le Trump Castle et le Taj Mahal, travaillaient avec des entreprises locales qui fournissaient notamment alcools, service de blanchisserie et limousines.

Michael Jackson était là pour l'ouverture du Taj en 1990. L'actrice Pamela Anderson était venue en visite. Le boxeur Mike Tyson avait atteint son apogée au Trump Plaza, lors d'un très bref combat contre l'ancien champion Michael Spinks en 1988.

«Être Donald Trump à l'époque était probablement mieux qu'être président des États-Unis», se souvient Con Kimura. «Les gens l'adoraient».

Mais la lune de miel n'a pas duré.

Le Taj Mahal, qui se voulait la huitième merveille du monde avec ses coupoles exotiques, se déclare en faillite en 1991. Le Plaza suit en 1992. Puis Trump Hotels and Casinos Resorts en 2004 et Trump Entertainment Resorts en 2009.

Le candidat républicain en campagne relativise, expliquant qu'il s'agissait de restructurations qui n'ont pas fait de mal «aux petites gens sympathiques».

«Ce n'est simplement pas vrai», rétorque Steven Perskie, un ancien juge qui avait écrit la loi légalisant les jeux d'argent à Atlantic City, et qui était aussi président de la commission de contrôle des casinos de 1990 à 1994.

Impact dévastateur

«Même si légalement ils avaient le droit de faire ce qu'ils ont fait, dit-il à l'AFP, l'impact dévastateur que leurs décisions ont eu sur tellement de gens et tellement de petites entreprises dans la région n'a jamais été reconnu».

Après leur expérience avec Trump, dans la ville largement démocrate, ses critiques n'ont qu'un conseil: ne lui faites pas confiance, il ne tiendra pas ses promesses.

Trump s'est depuis des années complètement retiré d'Atlantic City, fier d'en être parti avant que la ville ne sombre dans la crise, alors que s'ouvraient d'autres casinos sur la côte Est.

Quand il avait investi à Atlantic City, il avait déclaré aux organismes de régulation qu'il ne s'appuierait jamais sur des obligations de pacotille. «Mais il l'a fait», affirme aussi M. Perskie.

«Il n'a jamais investi dix centimes de son argent personnel. Il a tout emprunté, et il l'a fait dans des circonstances (...) qui créaient un risque intolérable».

Les investisseurs ont perdu des millions, mais pas seulement. Des fournisseurs locaux ont fait faillite. Beaucoup ont mis la clé sous la porte, ou mis des années à s'en remettre, dit l'ancien juge.

Michael Diehl, 88 ans, propriétaire d'un magasin de pianos, s'est lui aussi brûlé les ailes. Depuis 1951, il n'a connu, dit-il, qu'une entreprise en défaut de paiement: Trump, pour un chèque de 100 000 dollars, pour huit pianos destinés au Taj.

«Il met les problèmes financiers sur les petites gens: les charpentiers, les plombiers, les maçons. Ce sont eux qui ont perdu», affirme-t-il.

Le Trump Plaza a fermé en 2014. Bâtiment fantôme, son entrée sur la promenade en bord d'océan a été condamnée, son nom enlevé de la façade.

«Ce n'est pas mon candidat», déclare aussi Frank Halfhide, qui promène les touristes en cyclo-pousse sur la promenade. Hors saison, il est heureux quand il gagne 10 dollars par jour.

«Il va vous dire exactement ce qu'il pense, immédiatement, mais on ne peut pas faire ça quand on est président», explique-t-il. «Donald Trump va tous nous faire entrer en guerre, (il) va tous nous faire tuer».

Mais en dépit des polémiques et des insultes, le milliardaire reste en tête de la course à l'investiture républicaine pour la présidentielle de novembre, soutenu principalement par des électeurs blancs modestes, ayant du mal à joindre les deux bouts, et furieux contre l'establishment politique.