Sous les apparences d'un type banal et sans histoire, le Norvégien Anders Behring Breivik a passé près du tiers de son existence à mûrir un projet extrémiste qui, selon toute vraisemblance, l'a conduit à devenir l'un des tueurs les plus sanguinaires de l'Histoire. Le suspect comparaîtra lundi.

Grand blond au regard transperçant, Behring Breivik, 32 ans, est soupçonné d'être l'auteur du carnage qui a coûté la vie à 93 personnes vendredi, des faits qu'il a reconnus et qu'il a qualifiés de «cruels» mais «nécessaires», selon son avocat.

Si ses motivations restent un mystère, sa détermination ne fait aucun doute.

Le jour même du massacre, le Norvégien publie un long manifeste sur internet dans lequel il détaille son engagement idéologique islamophobe et antimarxiste des neufs dernières années et le moment fatidique, dès l'automne 2009, où il décide de passer à l'acte.

Se présentant comme un croisé, il y explique comment il se cache de son entourage pour ne pas voir son projet capoter prématurément.

Un camouflage apparemment réussi.

«Pour moi, il avait l'air de monsieur Tout-le-Monde. Le gars passe-partout», témoigne Emil Finneruo, un voisin qui dit avoir été à l'école avec lui. «Le Norvégien bien propre sur lui que personne ne peut suspecter», explique-t-il à l'AFP.

Une enfance ordinaire

De son propre aveu, Behring Breivik a eu une enfance ordinaire, avec un père diplomate et une mère infirmière qui divorcent quand il n'a encore qu'un an.

«J'ai eu une éducation privilégiée avec des personnes responsables et intelligentes autour de moi», écrit-il dans son manifeste.

Ayant grandi avec sa mère dans une famille de la classe moyenne qui, dit-il, n'a jamais connu de problème d'argent, son seul grief est d'avoir eu «beaucoup trop de liberté».

Le père biologique sous le choc

Jens Breivik, le père biologique du suspect des attaques d'Oslo, a expliqué dimanche qu'il avait reçu «un choc» en découvrant la photo de son fils sur les journaux en ligne.

«Je lisais les nouvelles sur Internet, et soudain j'ai vu son nom et sa photo. C'était un choc, je ne m'en remets toujours pas», a déclaré le retraité, qui vit en France, au journal norvégien Verdens Gang. «Je suis sous le choc, c'est absolument terrible d'entendre ça», ajoute le père du meurtrier présumé qui affirme qu'il ignorait tout des activités de son fils.

Le père, divorcé de la mère du suspect peu après la naissance du garçon, explique avoir perdu contact avec son fils depuis 1995, lorsque celui-ci avait 15 ou 16 ans.

«Nous n'avons jamais habité ensemble, mais nous avions quelques contacts durant son enfance», explique le retraité norvégien. «Lorsqu'il était plus jeune, c'était un garçon ordinaire, mais renfermé. Il ne s'intéressait pas à la politique à cette époque.»

Le suspect des deux attaques qui ont ensanglanté la Norvège vendredi, Anders Behring Breivik, proche de l'extrême-droite, a reconnu les faits selon la police et affirmé avoir agi seul dans un geste planifié de longue date.

Son père est mentionné dans le long manifeste que le suspect a diffusé juste avant les attaques. Le meurtrier présumé y explique que son père, un diplomate qui a été en poste à Londres et à Paris, s'est remarié après sa naissance, tandis que sa mère a épousé un militaire, qui est devenu le beau-père de l'enfant.

Le père biologique et sa nouvelle femme, qui habitaient à Paris, ont alors demandé la garde du garçon, mais ils ont été déboutés par la justice norvégienne.

«J'ai eu une bonne relation avec lui (son père) et sa nouvelle femme jusqu'à mes 15 ans», écrit le meurtrier présumé, qui dit leur avoir rendu de fréquentes visites en France.

Mais les contacts ont cessé à ses 15 ans («il n'aimait pas trop ma période graffiti entre 13 et 16 ans», écrit le suspect norvégien) et le père n'a pas donné suite à une demande de retrouvailles il y a quelques années.

Dans le manifeste, il relève que ses parents biologiques étaient tous les deux des sympathisants du parti travailliste, pris pour cible dans les attaques d'Oslo.

Courte mobilisation politique

En 1999, le suspect adhère au parti du Progrès (FrP), une formation de la droite populiste, et endosse des responsabilités locales pour le mouvement jeune du parti.

Il résilie son adhésion en 2006. Il écrira plus tard sur un forum internet qu'il considérait le parti trop ouvert aux «attentes multiculturelles» et aux «idéaux suicidaires de l'humanisme».

«Ceux qui le connaissaient quand il était membre de l'organisation disent que c'était un garçon un peu timide qui prenait rarement part aux discussions», a réagi le FrP samedi.

Si ses critiques de l'islam, du multiculturalisme et du marxisme sont omniprésentes sur internet, une arène où il est très actif, il s'estime néanmoins «plutôt tolérant» et «relax» dans l'autoportrait qu'il brosse dans son manifeste.

«Parce que j'ai toujours été exposé à des décennies d'endoctrinement multiculturel, je ressens le besoin de souligner qu'en fait je ne suis pas raciste et que je ne l'ai jamais été», écrit-il.

«Être skinhead n'a jamais été une option pour moi. Leur code vestimentaire et leurs choix musicaux sont peu attrayants et je pensais qu'ils étaient trop extrêmes», ajoute-t-il, précisant aussi avoir eu plusieurs dizaines d'amis «non-Norvégiens dans (ses) jeunes années».

Sur son profil Facebok, Behring Breivik se dit «conservateur», «chrétien», intéressé par la chasse et par des jeux tels que «World of Warcraft» et «Modern Warfare 2».

Disposant de revenus nuls ou quasi inexistants en 2009 et dans les années précédentes selon ses relevés fiscaux --une information publique en Norvège--, il a pourtant acheté une petite exploitation agricole cette année.

Cela lui a permis de se procurer en mai, sans élever de soupçons, six tonnes d'engrais chimiques vraisemblablement utilisées pour confectionner les explosifs utilisés contre le siège du gouvernement de centre-gauche norvégien vendredi.

Il s'est également inscrit dans un club de tir, un moyen pour lui d'obtenir une autorisation de détenir deux armes à feu, dont un fusil automatique, sans doute employées dans la fusillade qui a ensuite ciblé un rassemblement de jeunes travaillistes sur l'île d'Utoeya, près d'Oslo.