Anders Behring Breivik, qui a reconnu avoir perpétré le carnage qui a fait 76 morts (un précédent bilan faisait état de 93 morts) vendredi en Norvège, avait été signalé aux services de sécurité norvégiens en mars, a annoncé lundi Janne Kristiansen, la directrice de l'Agence de sécurité de la police (PST).

Ce renseignement faisait état d'un achat modique dans une entreprise polonaise qui vendait des produits chimiques mais l'épisode était trop anodin pour y donner suite, a-t-elle dit.

Anders Behring Breivik va être placé en détention provisoire pour une période renouvelable de 8 semaines, dont quatre en isolement total, a annoncé le tribunal d'Oslo.

Au cours d'une première audience lundi, le suspect a reconnu les faits sans toutefois plaider coupable, et a dit vouloir défendre son pays et l'Europe contre l'islam et le marxisme, a déclaré le juge Kim Heger à la presse.

Il a ajouté que Behring Breivik avait déclaré que les attaques ne visaient pas à faire le maximum de victimes.

Le suspect, qui n'a pas été autorisé à comparaître en uniforme comme il le demandait, a évoqué l'existence de «deux autres cellules» dans son organisation, a aussi précisé un greffier du tribunal, Geir Engebretsen, dans une conférence de presse qui a suivi l'intervention du juge.

Anders Behring Breivik a quitté le tribunal d'Oslo après cette première comparution devant un juge en vue d'une mise en détention provisoire, a annoncé un responsable du tribunal lundi.

«L'audience est terminée. La salle est vide», a déclaré un responsable de la sécurité du tribunal.

Les images de la chaîne de télévision TV2 ont montré un cortège de véhicules de police, comprenant deux Mercedes blindées noires, quittant le tribunal, gyrophares allumés.

On y voit brièvement un homme aux cheveux ras et vêtu de rouge qui semble être le suspect.

La police a demandé la mise en détention provisoire du suspect pour une première période renouvelable de huit semaines, le double de la durée habituelle.

Selon l'agence NTB, Anders Behring Breivik est arrivé au tribunal en empruntant une entrée située derrière le tribunal.

Des personnes situées à proximité s'en sont pris au véhicule, une Mercedes blindée selon les médias, en criant «traître» et «salaud d'assassin», a précisé l'agence.

Un jeune musulman norvégien de 24 ans a ensuite expliqué ce geste par le fait qu'il avait perdu des amis dans la fusillade qui a décimé un rassemblement politique de jeunes sur l'île d'Utoeya vendredi, faisant 86 morts dans leurs rangs.

L'avocat du suspect, Geir Lippestad, est quant à lui entré par la porte principale, se frayant difficilement un passage parmi les nombreux journalistes attroupés sur place.

L'audience, qui a duré environ 40 minutes, s'est déroulée à huis clos conformément aux voeux de la police.

«Il y a des informations concrètes qui indiquent qu'une audience publique, en présence du suspect, est susceptible de déclencher une situation extraordinaire et extrêmement délicate eu égard à l'enquête et à la sécurité», a expliqué le juge Kim Heger pour justifier sa décision.

Dimanche soir, l'avocat de Behring Breivik avait laissé entendre que son client souhaitait un maximum de publicité pour sa première apparition devant un juge.

«Il a deux souhaits: le premier est que l'audience soit publique et le second est qu'il puisse porter un uniforme», avait déclaré l'avocat, Geir Lippestad, à la chaîne de télévision NRK, disant ne pas savoir «de quel uniforme il s'agit».

«Il veut s'expliquer ce qu'il a fait. Il veut le faire publiquement», avait-il ajouté.

À l'heure actuelle, Anders Behring Breivik a le statut de suspect et, selon le système judiciaire norvégien, ne pourra être inculpé qu'à l'issue de l'enquête policière.

La peine maximale prévue par le Code pénal norvégien est de 21 ans de prison.

Prêt à passer sa vie en prison

Anders Behring Breivik s'est dit prêt à passer toute sa vie en prison, a déclaré le procureur Christian Hatlo lundi.

«Il a dit lors des interrogatoires qu'il était prêt à passer toute sa vie en prison», a dit Christian Hatlo lors d'un point de presse.

Behring Breivik est apparu serein pendant les auditions, a-t-il aussi précisé.

Des substances chimiques achetées en Pologne

Anders Behring Breivik, l'auteur du carnage qui a fait 76 morts en Norvège vendredi, a acheté en Pologne, par internet et légalement, des substances chimiques qui ont pu servir à la construction de ses explosifs, a annoncé lundi l'Agence polonaise pour la sécurité intérieure (ABW).

«Il a acheté des substances chimiques et ce n'étaient pas des substances illégales», a déclaré aux journalistes Pawel Bialek, chef adjoint de l'ABW.

À la demande de la police norvégienne, l'ABW s'est rendue au siège de la société à Wroclaw, dans le sud-ouest de la Pologne, où Breivik avait fait ses achats et a interrogé son propriétaire.

«Nous n'avons interpellé personne», a déclaré M. Bialek. «Nous considérons ces contacts comme purement commerciaux.»

Selon lui, «les achats réalisés en Pologne n'avaient pas une importance décisive» dans le projet meurtrier du Norvégien, celui-ci ayant fait d'autres achats «plus importants» dans d'autres pays.

M. Bialek a refusé de donner des précisions sur les contrôles menés par l'ABW et sur les transactions effectuées.

Ces achats sont «conformes à leur description» dans le manifeste de plus de 1500 pages rédigé par Breivik pendant des années et diffusé juste avant les attaques d'Oslo, a-t-il précisé.

Selon les extraits de ce manifeste publié sur l'internet, Breivik dit avoir acheté en décembre 2010 d'abord 300 grammes de nitrate de sodium pour 10 euros (13,60$) et ensuite 150 kg de poudre d'aluminium pour 2000 euros (2720$) réglés par un virement bancaire. Le 1er mars dernier, il se plaignait de ne pas avoir tout reçu.

Minute de silence émouvante

La famille royale norvégienne, le chef de gouvernement et des milliers d'anonymes ont observé une minute de silence lundi à 12h (6h, heure de Montréal) en hommage aux victimes décédées dans le carnage qui a ensanglanté la Norvège vendredi.

La famille royale a elle-même été touchée directement par le drame. Le demi-frère de la princesse Mette-Marit de Norvège figure parmi les 68 personnes victimes de la fusillade (86 victimes avaient tout d'abord été dénombrées), a annoncé le palais royal norvégien, confirmant des informations de presse.

Policier de profession, mais n'étant pas en service au moment des faits, Trond Berntsen, 51 ans, a tenté d'arrêter le tireur, Anders Behring Breivik, après avoir mis son propre fils en sécurité, selon le journal Verdens Gang (VG), qui cite des témoins.

«Mais le tireur de 32 ans n'a pas hésité une seconde dans son entreprise meurtrière et a tué le policier qui n'était pas armé», écrit VG.

Selon plusieurs journaux, Trond Bernsten était à Utoeya pour assurer la sécurité, en tant que vigile privé, de quelque 600 jeunes travaillistes réunis en université d'été sur l'île.

Interrogée par l'AFP, la porte-parole du palais, Marianne Hagen, a confirmé que Trond Bernsten figurait parmi les victimes, sans vouloir fournir plus de détails.

M. Bernsten était le fils du second époux de la mère de Mette-Marit, elle-même devenue princesse en 2001 après son mariage avec le prince héritier Haakon.

De la Bourse d'Oslo aux aéroports, le pays scandinave encore sous le choc s'est brièvement arrêté à midi, de même que tous les trains du royaume.

Alignés sur le parvis de l'université d'Oslo, tout de noir vêtus, le roi Harald et son épouse la reine Sonja, arrivés sous les applaudissements de la foule, le premier ministre Jens Stoltenberg se sont figés aux 12 coups de midi, rapportent des journalistes de l'AFP.

«Pour commémorer les victimes mortes au siège du gouvernement et sur l'île d'Utoeya, je déclare une minute de silence», a dit M. Stoltenberg.

Seul le cri des mouettes est venu rompre le silence.

Les recherches de disparus sur Utoeya, où 86 personnes -selon un bilan établi dimanche, mais susceptible d'être révisé en baisse- ont péri dans une fusillade vendredi, ont brièvement été interrompues, selon les images de la chaîne NRK, qui montraient les personnels alignés en silence sur le rivage.

La minute de silence s'est conclue par un simple «takk» («merci») prononcé par le chef du gouvernement.

Ce dernier, le couple royal et plusieurs autres dignitaires sont ensuite allés signer un livre de condoléances placé à l'intérieur de l'université.

Ils sont repartis, également sous les applaudissements du millier de personnes qui s'étaient rassemblées sur Karl Johans gata, l'artère centrale d'Oslo qui borde l'université.

Par solidarité, les autres pays nordiques ont aussi appelé leurs citoyens à respecter une minute de silence.