«Cher tous, Salam Aleikum», a commencé le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg, hier, lorsqu'il s'est adressé aux fidèles rassemblés dans une mosquée d'Oslo. Il a rendu hommage notamment aux deux premières victimes enterrées hier, deux jeunes Norvégiens originaires de pays musulmans, Bano Rashid, 18 ans, et Ismail Haji Ahmed, 19 ans. Malgré les craintes que l'immigration musulmane suscite chez certains Norvégiens «de souche», l'intégration se déroule bien, ont constaté nos envoyés spéciaux.

Il faut rouler en métro une vingtaine de minutes vers l'est pour arriver dans Furuset. En sortant du train, une chose saute aux yeux l'immense mosquée blanche surmontée d'un dôme argenté, qui domine tout le quartier.

À l'intérieur, tout est flambant neuf. «Nous venons à peine d'obtenir les permis pour ouvrir», explique l'imam Mahmood Ahmed Ayas.

La mosquée compte pour le moment 1 500 membres en règle. Mais la salle de prière, assez grande pour accueillir 1 000 fidèles simultanément, a été conçue en prévision d'une croissance rapide de la communauté, qui cherche à recruter de nouveaux fidèles parmi les 35 000 musulmans qui habitent la Norvège.

Depuis peu, le nombre d'immigrants habitant Furuset dépasse celui des Norvégiens de souche.

À vue de nez, presque le quart des femmes sont voilées.

La Norvège, pays riche grâce entre autres aux redevances sur l'exploitation pétrolière dans la mer du Nord, a d'immenses besoins en main-d'oeuvre. Pour les combler, le nombre d'immigrants au pays a triplé entre 1995 et 2010. Ils sont maintenant 550 000 sur une population de 4,9 millions.

«À Furuset,ils viennent principalement du Pakistan, mais aussi de la Turquie et de la Somalie. Ils sont nombreux à arriver comme réfugiés et certains sont analphabètes», souligne Ase Berntsen, une résidante de Furuset qui travaille à l'agence de contrôle du climat et de la pollution norvégienne.

Dans son manifeste, Anders Behring Breivik justifie son massacre par l'«incapacité du gouvernement travailliste à contrôler l'immigration» et à freiner «la domination islamique en Norvège».

Ce que Breivik ne dit pas, c'est que le débat sur l'immigration a été fait au parlement norvégien ces dernières années. Le Parti travailliste a récemment resserré les règles pour l'obtention du statut de réfugié, entre autres sous l'influence du Parti progressiste, pour lequel Breivik a milité jusqu'à 2006.

Qui parle le norvégien?

Au sud de la mosquée de Furuset, au sommet d'une petite colline qui domine le quartier, se trouve un secteur nanti, habité principalement par des Norvégiens «de souche». Les résidants à qui nous avons parlé affirment que la cohabitation avec les immigrants est bonne. Les immigrants ne sont pas confinés à des ghettos. Ils habitent côte à côte avec la population indigène dans des HLM âgés d'une trentaine d'années, mais bien entretenus; à l'image de l'ensemble des infrastructures norvégiennes. «Leur intégration se passe bien. Le gouvernement prend l'immigration au sérieux et a créé des programmes en conséquence», affirme Jan Cato Emilszen, qui habite le quartier.

Ase Berntsen craint toutefois pour la vivacité de la langue norvégienne. «Les immigrants n'apprennent pas le norvégien», déplore-t-elle. Ses propres petits-enfants ont été envoyés dans une école d'un autre quartier pour cette raison. «Dans les salles de classe, il n'y a parfois que deux enfants qui parlent norvégien dans tout le groupe. Il y a même des classes où il faut un traducteur à temps plein pour que les enfants comprennent», dit-elle.

Mais Kristin Donassen, enseignante dans une école de Furusset, reste positive. «Les enfants d'immigrants apprennent le norvégien très jeunes dans les garderies», dit-elle. Ces garderies, en bonne partie subventionnées par l'État, offrent des heures de garde gratuites aux parents immigrants.

Dans Furuset, l'apprentissage du norvégien se fait aussi dans la mosquée. En nous faisant visiter les lieux, l'imam Mahmood Ahmed Ayas nous montre fièrement une collection de corans traduits dans une vingtaine de langues, dont un en norvégien.

«Nous sommes très intégrés à la société norvégienne. Quand le drame est survenu, les jeunes de la communauté ont été très secoués. Certains d'entre nous ont des connaissances qui se trouvaient sur l'île d'Utoya», dit Naeem Ahmed, qui s'occupe de la branche jeunesse de la mosquée.

«Nous connaissons bien l'île d'Utoya. Nous y avons nous-mêmes tenu quatre camps de formation ces dernières années. Ce qui s'est passé là-bas, ça nous touche directement aussi.»

Photo: Wolfgang Rattay, Reuters

Le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg.