Le dernier vol de navette spatiale aura lieu vendredi prochain. La Maison-Blanche a décidé de mettre fin à un programme marqué par les tragédies de Challenger et Columbia et qui n'a jamais réussi à abaisser les coûts des vols habités. Sans toutefois parvenir à prendre une décision sur ce qui succédera à la navette. Retour sur une aventure qui fascine les mordus de l'espace depuis 1981.

«Il faut se rendre à l'évidence, les vols habités n'ont aucun sens économique», martèle Alex Roland, historien du programme spatial à l'Université Duke, en Caroline du Nord.

C'est en bonne partie parce que la NASA n'a jamais réussi à faire chuter les coûts des vols habités que la navette spatiale américaine s'envolera la semaine prochaine pour une toute dernière fois.

Dans les années 70, la NASA prévoyait que grâce à la navette, il en coûterait seulement quelques milliers de dollars par kilogramme pour lancer un satellite en orbite géosynchrone. Mais en réalité, elle n'aura jamais pu rivaliser, en termes de coûts, avec les fusées conventionnelles comme Ariane, Proton, Titan ou Delta (20 000$US par kilogramme).

La cadence visée pour la navette, une trentaine de vols par année, n'a donc jamais été atteinte.

«C'est une question de prestige national, explique M. Roland. On l'a bien vu avec le programme chinois. Il y a eu trois vols habités en 2003 et 2008, puis plus rien. Les Chinois se sont rendu compte que ça coûte très cher, beaucoup plus que prévu.»

Après le désastre de Columbia, le président George W. Bush a décidé de mettre fin au programme de la navette spatiale. Un nouveau projet, Constellation, devait prendre sa place, avec une architecture comparable à Apollo - et la Lune et Mars comme cible. Le président Obama a abandonné ce rêve faute de moyens et recentré les vols habités sur l'orbite terrestre.

«Le successeur de la navette n'a pas encore été choisi parce que la Maison-Blanche et le Congrès n'arrivent pas à s'entendre sur la manière de procéder», explique John Logsdon, un politologue de l'Université George Washington qui a fait partie de la commission d'enquête sur l'accident de Columbia. «Obama veut une concurrence entre différents projets privés pour amener des astronautes sur la station spatiale. Le Congrès veut conserver une partie de la technologie de la navette et de Constellation pour un lanceur capable de retourner sur la Lune. Ce sont deux choses différentes, mais ça crée une tension. Une chose est sûre, on va s'en tenir à une capsule. Les Européens ont envisagé une navette, mais semblent avoir abandonné l'idée parce que c'est trop coûteux et plus risqué lors de la rentrée dans l'atmosphère.» La géométrie plus simple d'une capsule limite les dommages au bouclier thermoprotecteur.

La NASA donne déjà à forfait le transport de cargaison vers la station spatiale. Deux compagnies, SpaceX et Orbital Science, doivent faire dans les prochaines années une quinzaine de vols, même si leurs fusées ne sont pas prêtes.

«Je ne suis pas sûr qu'il est rentable pour une compagnie privée d'envoyer des astronautes en orbite, à moins d'avoir des tarifs incroyablement élevés, qui seraient politiquement impossibles à accepter, dit M. Roland. Les Russes vendent certainement la capacité du Soyouz à perte, encore une fois pour des raisons de prestige national. Je ne crois pas, comme d'autres, qu'ils vont profiter de leur monopole pour gonfler les prix.» En 2007, la NASA a payé 719 millions $US pour 15 places sur Soyouz et 5,6 tonnes de matériel transporté par Progress.

La solution la plus prometteuse, selon M. Roland, serait d'imiter les Russes et d'avoir une petite capsule habitée et un plus gros vaisseau cargo. Le Soyouz ne peut amener que 100 kilos de chargement, contre trois tonnes pour le cargo russe Progress et huit tonnes pour les cargos japonais HTV et européen ATV. La navette, elle, peut transporter 10 tonnes de matériel à la station spatiale ou alors des modules de 25 tonnes.