La navette spatiale Atlantis décollera aujourd'hui à 11h30 pour la toute dernière fois, si la météo le permet. Pour l'occasion, La Presse a demandé à deux astronautes canadiens de partager souvenirs et impressions.

«Je n'oublierai jamais ma sortie spatiale de sept heures», confie Steve MacLean, un ex-astronaute canadien qui dirige maintenant l'Agence spatiale canadienne. «Sans la navette, ça n'aurait pas été possible. C'est un véhicule tellement polyvalent et tellement spacieux. On pouvait vraiment faire une variété de missions.»

Lors de ses deux vols, en 1992 à bord de Columbia, et en 2006 à bord d'Atlantis, M. MacLean a été à même de constater la préparation et le professionnalisme qu'exigeait cette gamme étendue de tâches. «J'ai vécu des émotions inoubliables. Nos journées étaient tellement remplies et j'étais à chaque instant témoin des capacités extraordinaires de mes coéquipiers.» Sa sortie spatiale, qui a servi à activer des panneaux solaires sur la station spatiale, a eu lieu en 2006.

La navette n'était pas que spacieuse. Quand elle a été conçue, dans les années 70, les systèmes de contrôle électroniques étaient à leurs balbutiements. Cette immaturité compliquait énormément la tâche des pilotes.

«Contrairement à ce qui se passe sur les avions normaux, quand on tire le manche de la navette, on modifie la vitesse de rotation du nez», explique Chris Hadfield, un astronaute canadien qui a voyagé sur Endeavour et Atlantis et termine présentement une formation sur la capsule russe Soyouz.

«Normalement, si on tire sur le manche, le nez monte. Ça rend le maniement de la navette très délicat, parce que c'est complètement différent du comportement normal d'un avion. Le seul comportement comparable, c'est celui du F-16, qui a aussi été équipé d'un système de contrôle électronique des années 70. À l'époque, on ne savait pas comment bien imiter les contrôles mécaniques traditionnels.»

«En plus des contrôles, la navette est énorme, alors il faut planifier soigneusement ses mouvements, dit M. Hadfield. Et comme c'est un planeur à l'atterrissage, on n'a pas de deuxième chance. C'est un planeur très peu aérodynamique. Pour la pratique, avec un avion d'entraînement T-38, on abaisse le train d'atterrissage, on lève tous les volets et on a en plus d'énormes freins aériens, de la taille de portes, sur les ailes. Il faut avoir la sensation de tomber comme une roche.»

Cette aérodynamique rend l'atterrissage très rapide. «Quand les roues touchent le sol, la navette va à 300 km/h, dit M. Hadfield. C'est deux fois plus qu'un avion de ligne. Même les chasseurs à haute performance des années 50 étaient plus lents.»

En comparaison, la capsule Soyouz est éminemment manoeuvrable, même durant la rentrée dans l'atmosphère. «L'atterrissage final est plus abrupt parce que Soyouz ne roule pas, mais à part ça, on peut toujours se rattraper, jusqu'à ce que le parachute s'ouvre à 10 kilomètres d'altitude, dit M. Hadfield. C'est la même chose pour les manoeuvres dans l'espace : la navette est comme un énorme bateau à voile et le Soyouz, un go-kart.»

Steve MacLean n'a pas d'expérience de pilote comme M. Hadfield. Mais il a constaté les différences entre les navettes Columbia et Atlantis. «Chaque navette avait sa personnalité, dit M. MacLean. L'intérieur de Columbia était vieillot, on avait l'impression d'être dans un navire des années 70. Altantis avait une finition de qualité supérieure. Mais à la rentrée, à un certain point, Atlantis vibrait énormément. Ça restait en dessous des limites structurelles. Mais on n'a jamais réussi à comprendre pourquoi.»