Les travaux récompensés mardi par le Nobel de physique pour avoir révélé l'accélération de l'expansion de l'univers ont aussi mis en évidence l'existence d'une énergie mystérieuse, dite «noire», qui paraît être la plus grande énigme à laquelle la physique est confrontée.

«Nous avons créé une plus grande énigme plutôt que d'apporter des réponses aux interrogations que nous avions», explique à l'AFP l'Américain Adam Riess, professeur à l'Université Johns Hopkins de Baltimore et un des trois lauréats du prestigieux prix.

«Nous avons découvert que l'univers accélérait son expansion et qu'il était rempli d'énergie sombre», poursuit-il. «Mais la question est de savoir ce qu'est cette énergie dont nous ne comprenons pas la nature».

L'énergie sombre ou noire qui constituerait plus de 70% de l'univers «semble résider à la frontière entre la mécanique quantique --l'infiniment petit-- et la théorie générale de la relativité (de Einstein), nos deux grandes théories en physique mais juste à la frontière car ces deux théories ne sont pas compatibles», souligne le chercheur.

«Tout espace vide dans l'univers contient cette énergie qui exerce une sorte de force antigravité et explique l'expansion cosmique et son accélération», indique par ailleurs Martin Rees, un astrophysicien de l'Université de Cambridge en Grande-Bretagne.

«Nous avons soudainement découvert quelque chose qui pourrait représenter les trois-quarts de l'univers et nous n'en avions aucune idée avant», relève Saul Perlmutter, de l'université de Californie à Berkeley, autre lauréat du Nobel de physique 2011.

«Mais nous ne savons pas encore si cette mystérieuse force pourrait conduire à modifier la théorie de la relativité d'Einstein», dit-il à l'AFP.

Il précise que l'expansion de l'univers, selon leurs observations et mesures faites de la luminosité des supernova --sorte de bornes pour calculer les distances cosmiques-- a commencé à s'accélérer plusieurs milliards d'années après le «big bang» qui a marqué la naissance du cosmos il y a 13,7 milliards d'années.

Ainsi «l'énergie noire est devenue la plus grande chose que tous les astrophysiciens et physiciens essayent de comprendre», poursuit Saul Perlmutter.

Selon lui, «il est temps de voir comment on pourrait faire des mesures qui permettraient d'aller au fond des choses et de savoir de quoi il s'agit», ce qui nécessiterait de fabriquer de nouveaux instruments et télescopes spatiaux comme le successeur de Hubble, le James Webb Space Telescope (JWST).

«Nous pouvons désormais expliquer un très grand nombre de choses mais il est évident que nous n'avons pas la réponse définitive et si nous avons saisi la plus grande partie de l'univers nous ne savons même pas comment le décrire dans nos équations», reconnaît l'astrophysicien.

«De ce fait, nous ne savons pas si nous avons avec cette découverte accompli un grand pas et parcouru 80% du chemin où si nous en avons fait seulement 20% ou 10%. Tout ce que nous pouvons faire c'est de continuer à essayer» de percer ces mystères, ajoute Saul Perlmutter.

La matière visible et mesurable ne représente qu'environ 5% du total de l'univers et le restant étant la matière noire, 25%, et l'énergie sombre, 75%, note-t-il.

Pour George Smoot, un astrophysicien de Berkeley lauréat du Nobel de Physique en 2006, la découverte de Saul Perlmutter, de Adam Riess et de l'Américano-australien Brian Smith «a généré un nouveau champ de recherche appelée +énergie noire+ qui va exciter l'esprit d'un grand nombre».

Toutefois les astrophysiciens s'accordent à penser qu'il faudra longtemps avant de comprendre la nature de cette force qui paraît être le fondement de l'espace et du temps.