C'est dans un état de choc et d'incrédulité que Rifat Audeh a passé la nuit de lundi dernier, à bord du navire Mavi Marmara. Le militant canado-palestinien, arrêté par l'armée israélienne dans l'assaut contre une flottille humanitaire se dirigeant vers Gaza, a vécu des heures d'angoisse et d'horreur avant d'être libéré et expulsé vers la Jordanie, dans la nuit de mardi à hier.

«C'était très chaotique. Après avoir encerclé les bateaux, l'armée israélienne a commencé à nous attaquer. Ils tiraient dans toutes les directions. Il y avait des blessés et des morts, avant même que les soldats montent à bord», raconte M. Audeh, joint au téléphone en Jordanie, où il travaille comme journaliste pigiste, faisant régulièrement la navette entre la capitale Amman et le Canada.

«On a d'abord été détenus sur le bateau, ajoute l'homme de 37 ans. Nous ne pouvions pas nous lever, dormir ou même aller aux toilettes. On nous menaçait à la pointe du fusil. Certains ont été battus. Moi, j'ai été battu.» Puis, les centaines de prisonniers -«y compris un évêque de Jérusalem âgé de 88 ans»- ont été conduits dans un centre de détention, sans qu'on les informe de la raison de leur arrestation ou qu'on leur permette de communiquer avec un avocat ou leur famille, soutient le militant.

Des armes à bord?

Contredisant les informations avancées par le gouvernement israélien, M. Audeh assure qu'il n'y avait aucune arme à bord des navires.

«Nous n'étions pas armés. Pas du tout. C'était un convoi civil, humanitaire, transportant de l'équipement médical et des denrées alimentaires. Tout avait été inspecté, dans le port, avant le départ, souligne M. Audeh, encore sous le choc. C'est tellement scandaleux, tellement incroyable.

Je pense que personne ne s'attendait à ce qu'Israël agisse de façon aussi barbare.» Le militant soutient que ses compagnons et lui avaient reçu des menaces qu'une intervention des autorités israéliennes était possible, mais ils avaient quand même espoir de pouvoir faire parvenir une cargaison «de médicaments, de nourriture et d'équipement humanitaire» à une population «assiégée».

Les militants du mouvement Free Gaza, responsables de l'organisation de la flottille, dénoncent le blocus imposé à la bande de Gaza.

Ressortissants libérés

En fin de journée hier, le ministère des Affaires étrangères à Ottawa a confirmé que les trois ressortissants canadiens avaient été libérés, et que deux d'entre eux auraient été, ou seraient en voie, d'être expulsés vers la Turquie.

Le gouvernement canadien refuse toujours de dévoiler leur identité.

Les proches de Kevin Neish, militant britanno-colombien de 53 ans, ont confirmé qu'il était du lot, et selon différentes sources, le troisième Canadien serait Farooq Burney.

«Nous sommes disposés à offrir toute assistance consulaire nécessaire aux deux citoyens canadiens à leur arrivée en Turquie», a souligné par courriel Ambra Dickie, porte-parole du Ministère.

Aucune information n'a été divulguée au sujet du moment où les ressortissants canadiens pourraient rentrer au pays.