Les niveaux de radioactivité à la centrale nucléaire de Fukushima 1, dans le nord-est du Japon, ont encore augmenté mercredi, au point d'entraîner une évacuation temporaire des techniciens et ingénieurs encore sur place et la suspension des efforts engagés pour tenter de refroidir plusieurs réacteurs du site.

Signe de la gravité des événements, l'empereur Akihito du Japon s'est adressé mercredi à la nation lors d'une allocution télévisée, ce qui est exceptionnel. Évoquant «les jours difficiles à venir», le souverain, âgé de 77 ans, a expliqué prier «pour que nous prenions tous soin les uns des autres et surmontions cette tragédie».

Il s'est dit «profondément préoccupé» par la situation «imprévisible» dans la centrale de Fukushima Daiichi (Fukushima 1), où les défaillances, explosions et incendies se succèdent depuis le séisme de magnitude 9 et le tsunami du 11 mars.

Pour les quelque 180 opérateurs encore présents sur le site, désormais salués comme des héros au Japon, les niveaux de rayonnements deviennent critiques, même avec des tenues de protection et en se relayant pour limiter le temps d'exposition.

Les techniciens s'efforçaient de poursuivre les opérations de refroidissement du coeur des réacteurs 1, 2 et 3 en injectant de l'eau de mer. Ils procédaient également à des opérations de décompression volontaire des enceintes des réacteurs, afin de libérer l'hydrogène accumulé. Ce gaz hautement inflammable et explosif est issu d'une réaction chimique notamment engendrée par l'échauffement des barres de combustible nucléaire.

Mais mercredi matin, après une nouvelle élévation de la radioactivité, ils n'ont pas eu d'autre choix que de se retirer des zones les plus exposées, sous peine de se mettre en grave danger. Les employés «ne peuvent pas même pas effectuer le minimum de travail sur le site en ce moment», a déclaré le secrétaire général du gouvernement, Yukio Edano.

D'après un responsable de la compagnie Tokyo Electric Power exploitant la centrale (Tepco), les techniciens se tenaient prêts à revenir dès que possible. Tepco et les autorités japonaises recherchaient des moyens d'appoint pour reconstituer le remplissage en eau de la piscine où est entreposé le combustible usé du réacteur numéro quatre.

Cette piscine est en ébullition, et l'eau se vaporise. À défaut d'appoint d'eau, les barres de combustible risquent d'être «dénoyées», c'est-à-dire exposées directement. Dans ce cas, les barres de combustibles, à force de chauffer, pourraient fondre purement et simplement, ce qui entraînerait des rejets radioactifs bien supérieurs à ceux survenus jusqu'à présent.

Hélicoptères

Mercredi, la chaîne de télévision publique NHK a montré des images d'hélicoptères des Forces d'autodéfense japonaises, décollant de la base aérienne de Kasuminome près de Sendaï dans le nord du Japon. Mais selon la NHK, les appareils n'ont pas pu survoler la centrale et procéder à des largages d'eau, en raison du niveau de radioactivité trop élevé. Le ministère de la Défense a expliqué dans un premier temps qu'il s'agissait de vols d'entraînement, avant de préciser par la suite que la mission de largage avait été annulée en raison de la trop forte radioactivité.

Au total quatre des six réacteurs du complexe Fukushima Daiichi ont été gravement touchés. Selon l'Agence japonaise de sûreté nucléaire, on estime que 70 pour cent du combustible du réacteur numéro un est endommagé.

Le combustible des réacteurs deux et trois est lui aussi partiellement endommagé, et deux explosions successives, mardi, ont probablement entraîné une dégradation de l'enceinte de confinement du numéro deux - avec des rejets radioactifs. La piscine du réacteur quatre est en ébullition, et une élévation graduelle de la température des piscines des réacteurs cinq et six est actuellement constatée.

Le gouvernement a enjoint mardi aux quelque 140 000 habitants vivant dans un rayon de 30 kilomètres autour du site de rester chez eux et de calfeutrer portes et fenêtres. Le survol de la zone a en outre été interdit, mesures qui s'ajoutent à l'évacuation depuis le week-end d'environ 70 000 personnes dans une zone de 20 kilomètres autour de la centrale.

À Soma, ville située à 50 kilomètres au nord du complexe Fukushima Daiichi, l'inquiétude est particulièrement vive et des habitants déplorent le manque d'informations disponibles. «Avant, je croyais les responsables du nucléaire, mais plus maintenant», souligne Shinako Tachiya. «Je pense qu'ils ne sont pas francs avec nous. Ils ne nous disent rien», ajoutait cette femme de 70 ans, qui a toujours vécu à Soma.

«Je ne pense pas qu'ils nous disent la vérité», estime lui aussi Toshiaki Kiuchi, un hôtelier de 63 ans dont l'établissement a été noyé par le tsunami. «Les seules informations que nous avons viennent de ce qu'on voit à la télévision ou ce qu'on entend à la radio. Ils ne nous disent rien sur notre sécurité, juste du jargon technique et des avertissements de rester en dehors de la zone officielle d'évacuation», a-t-il ajouté.

Le gouverneur de la préfecture de Fukushima, Yumei Sato, a lui souligné dans une interview à la NHK que «l'angoisse et la colère ressentie par les gens à Fukushima ont atteint un point d'ébullition»«. Il a jugé insuffisants les préparatifs en cas d'évacuation supplémentaire et souligné que les centres d'hébergement déjà mis en place manquaient des produits de première nécessité.