Des réacteurs nucléaires sont toujours en surchauffe au Japon et les inquiétudes dépassent maintenant largement les frontières du pays. Pendant que les Américains commencent à faire part de leurs préoccupations sur l'évolution de la crise, l'Europe, pourtant bien loin du Japon, exprime franchement ses pires craintes.

À l'aide d'hélicoptères et d'un canon à eau, les autorités japonaises luttaient ce matin par tous les moyens pour tenter de refroidir des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima afin d'éviter une catastrophe nucléaire. Pour la première fois depuis le début de la crise, quatre hélicoptères de l'armée japonaise ont déversé dans la matinée environ 30 000 litres d'eau sur les réacteurs 3 et 4.

Au moment de mettre sous presse, on ignorait les résultats de cette opération. L'objectif était notamment de remplir la piscine de combustible usagé du réacteur 4 qui a été endommagée par deux incendies. Cette piscine est désormais presque asséchée, ce qui a pour effet de provoquer des niveaux «extrêmement élevés» de radiations, a déclaré hier le président de l'Autorité américaine de régulation nucléaire (NRC), Gregory Jaczko. La fusion de ce combustible pourrait entraîner des rejets de radioactivité de même ampleur que la catastrophe de Tchernobyl, selon des experts.

Les ouvriers de l'opérateur Tokyo Electric Power (TEPCO), aidés de pompiers et de policiers, devaient également essayer d'atteindre le réservoir en recourant à un camion-citerne équipé d'un canon à eau. TEPCO espère aussi rétablir «dans l'après-midi» l'alimentation électrique de la centrale, ce qui «permettrait de remettre en route les pompes refroidissant les réacteurs et de remplir les piscines», selon un porte-parole.

Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de France, les 48 prochaines heures seront cruciales pour rétablir le niveau d'eau dans le bassin de stockage du réacteur no 4, sous peine de rejets radioactifs «très importants». Barack Obama a par ailleurs proposé au premier ministre japonais, Naoto Kan, d'envoyer davantage d'experts nucléaires dans l'archipel, afin d'aider les autorités nippones à résoudre la crise dans la centrale de Fukushima.

Divergences sur l'importance de la crise

Le périmètre d'évacuation autour de la centrale nucléaire est toujours de 20 km. Entre 20 et 30 km, les autorités japonaises demandent aux gens de rester à l'intérieur et de fermer les fenêtres. Le Canada fait les mêmes recommandations à ses ressortissants dans le secteur de Fukushima.

Par contre, d'autres pays ont lancé hier des avis plus restrictifs. Devant le Congrès américain, Gregory Jaczko a indiqué que, dans une situation similaire, les États-Unis auraient décrété une zone d'évacuation plus grande. Les États-Unis ont appelé leurs ressortissants à éviter de se rendre à moins de 80 km de la centrale nucléaire et Washington a autorisé hier les familles de son personnel d'ambassade à quitter Tokyo.

La Grande-Bretagne a fait savoir hier à ses citoyens qui se trouvent à Tokyo et au nord qu'ils devraient songer à quitter la région, non pas à cause de risques pour la santé, mais «à cause de l'évolution de la situation (à la centrale nucléaire) et des possibles interruptions dans la livraison de nourriture, dans le transport, les communications et l'alimentation électrique».

La France, elle, a dépêché deux avions gouvernementaux pour aider ses citoyens qui le souhaitent à quitter le Japon. Elle a aussi ordonné aux employés de la Sécurité civile française à Sendai de se replier à 350 km au nord, en raison notamment de «la situation nucléaire et radiologique actuelle».

Enfin, le Canada a fait savoir à ses ressortissants hier qu'ils pourront être rapatriés de Tokyo, avec leurs familles, par avion, aujourd'hui. Une aide au retour pour les Canadiens à partir d'Osaka est prévue demain.

Manque d'information

Le commissaire européen à l'Énergie, Günther Öttinger, qui avait parlé mardi d'«apocalypse», en a rajouté hier devant une commission du Parlement européen à Bruxelles: «On peut dire que cette installation n'est plus maîtrisée, on ne la contrôle plus. C'est une véritable catastrophe et on réagit par à-coups.»

Même le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, souhaite se rendre au Japon pour obtenir des réponses. «J'aimerais avoir des rencontres au sommet, a-t-il dit, afin d'avoir des informations de première main.»

Selon le dernier bilan de la police japonaise, hier soir, le séisme et le tsunami ont fait 5178 morts et 8606 disparus.