Une «course contre la montre». C'est ainsi que le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, a qualifié l'urgence de refroidir les réacteurs nucléaires abîmés par le séisme du 11 mars. Plus rien n'est exclu pour empêcher la catastrophe, même la possibilité d'ensevelir les réacteurs sous le sable et le béton, ont admis hier les ingénieurs japonais.

Dépassé par les événements de la dernière semaine, le gouvernement japonais a fait hier son mea culpa et reconnu qu'il aurait pu faire un peu plus vite pour évaluer la situation et coordonner toute l'information. Mais, a martelé le premier ministre Naoto Kan, les Japonais reconstruiront leur pays: «Nous devons tous partager cette détermination», a-t-il déclaré dans un discours télévisé.

Les tentatives de refroidir les réacteurs à l'aide de canons à eau se sont poursuivies hier sur quatre des six réacteurs de la centrale de Fukushima. L'état du réacteur no 3 - «notre priorité absolue», a déclaré le porte-parole du gouvernement Yukio Edano - était toujours le plus préoccupant. Le niveau de l'eau dans le bassin de rétention du combustible usé du réacteur, à l'arrêt pour entretien lors du séisme, serait dangereusement bas, ce qui pourrait aggraver la surchauffe du combustible et augmenter la quantité de rejets radioactifs.

L'alimentation électrique devrait être rétablie aujourd'hui dans quatre des six réacteurs (1, 2, 5 et 6), et demain dans les deux autres (3 et 4), selon ce qu'a annoncé l'Agence de sûreté nucléaire.

Et hier, pour la première fois, les ingénieurs japonais ont envisagé la possibilité d'enfermer les réacteurs dans un coffre de sable et de béton pour empêcher l'expulsion de rejets radioactifs. Cette solution radicale a notamment été employée à Tchernobyl en 1986. «Mais notre priorité pour le moment est d'abord d'essayer de les refroidir», ont indiqué hier les responsables de la Tokyo Electric Power Company.

Hausse du degré d'alerte

L'agence de sûreté nucléaire japonaise a relevé de 4 à 5 le degré de gravité de l'accident de Fukushima sur l'échelle internationale des risques nucléaires (INES), graduée de 1 à 7. L'INES définit un incident de force 4 comme ayant des conséquences locales, alors qu'à 5, les répercussions sont plus importantes.

Cette semaine, les autorités nucléaires françaises ont estimé ce degré à 6, tandis que leurs homologues américains, sans préciser de chiffre, estiment que le périmètre d'évacuation autour de la centrale nucléaire devait être plus grand que celui instauré par les autorités japonaises (80 km au lieu de 20 km).

«Je ne comprends pas pourquoi les Français ont augmenté le degré de crise nucléaire à 6», a dit hier Christian Janicki, physicien médical à l'Université McGill et responsable de la radioprotection au Centre universitaire de santé McGill. «À Tokyo, les radiations seront minimes. Les Américains évacuent les familles des diplomates parce que le pays entier est en crise en raison des difficultés d'approvisionnement, non à cause du risque de radiations.»

Au-dessus du bassin où sont entreposées les barres de combustible éteint du réacteur no 4, la radioactivité est de 0,6 millisievert (mSv) à l'heure à une altitude de 1 km, selon Guy Marleau, professeur de physique nucléaire à l'École Polytechnique. Cela signifie qu'à 50 m d'altitude, la radioactivité est de 240 mSv/h. Un technicien d'une centrale nucléaire canadienne qui travaillerait dans cet environnement ne pourrait y rester que 12 minutes et demie avant d'être placé en arrêt de travail pendant un an - la limite au Canada est de 50 mSv par année pour le personnel des centrales nucléaires.

Particules en Californie

Un appareil de mesure californien a pour la première fois détecté sur le sol américain une quantité «minuscule» de radiation nucléaire en provenance du Japon. Le ministère américain de l'Énergie a toutefois minimisé cette découverte, affirmant qu'elle ne faisait pas état de niveaux de radiation inquiétants. Les autorités sanitaires de la Colombie-Britannique ont quand même été inondées d'appels téléphoniques de citoyens après que cette nouvelle eut été dévoilée hier. Un porte-parole de l'Agence de la santé publique du Canada a rappelé que le message restait inchangé: le pays n'est pas menacé par la crise nucléaire en cours au Japon. Avec AP, AFP, Reuters

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé hier que les niveaux de radiation détectés à Tokyo étaient en hausse, mais qu'ils ne représentaient pas encore un risque pour la santé et qu'elle ne voyait pas de raison d'interdire les voyages au Japon en raison de sa crise nucléaire. Ces niveaux ont «très légèrement augmenté», selon un porte-parole de l'OMS, «mais se situent toujours bien en bas des niveaux absolus où cela représenterait un danger pour la santé publique». Par ailleurs, les émanations radioactives relevées dans le sud de la Californie sont «environ un milliard de fois sous des niveaux qui seraient dangereux pour la santé», a déclaré un diplomate.

Un nouveau bilan annoncé par la police fait état de 7197 morts et 10 905 disparus dans la double catastrophe. Quelque 452 000 personnes sont sans abri, 343 000 foyers sont toujours privés d'électricité et 1 million n'ont pas d'eau courante. Les sinistrés manquent de tout: nourriture, médicaments, vêtements, essence. À Sendai, hier, l'aéroport et son tarmac ont été remis en état pour recevoir des avions de transport militaires acheminant de l'aide. Alors que les chances de retrouver des vivants s'amenuisent de jour en jour, un jeune homme a été découvert sous les décombres samedi, huit jours après la catastrophe. Les sauveteurs ont trouvé le survivant sous une maison effondrée de Kesennuma, une des villes les plus touchées par le séisme et le tsunami. AP et AFP