Mille lanternes lâchées dans le ciel, en bord de mer, sur les côtes du Nord-Est, là où, six mois auparavant, un tsunami géant éteignait des milliers de vies. Samedi, les Japonais de Soma ont rendu hommage aux disparus et sinistrés du 11 mars.

Au cours de cet événement commémoratif, orchestré par l'artiste japonais Kansai Yamamoto, les participants étaient invités, au crépuscule, à lancer haut dans le ciel un millier de lanternes en papier, lumières symbolisant les âmes des victimes de la catastrophe.

En présence de centaines de participants bravant la pluie, les ballons lumineux, d'environ 70 cm de haut, ont décollé des bords de l'océan Pacifique, dont les vagues immenses avaient déferlé six mois plus tôt sur les terres, emportant tout sur leur passage.

S'élevant vers les falaises, ces petites montgolfières étaient dédiées «aux proches et amis décédés, comme à ceux qui vivent chaque jour encore avec la hantise des flots, entre les répliques sismiques qui s'enchaînent et les radiations qui subsistent».

Yeux levés vers le ciel ruisselant, «c'est extraordinaire, très beau», s'exclame le jeune Yamato Funayama, 9 ans.

«Ce type d'événement est important, car le temps passe très vite et si on ne commémore pas, on finit par oublier au fur et à mesure que la vie redevient normale», poursuit son père.

«Ces lanternes, ce sont à la fois les âmes des victimes et un signal d'appel à un monde calme et paisible», souligne le concepteur de cette cérémonie, lequel a déjà organisé des manifestations similaires en Indonésie et en Ukraine.

«Après le séisme du 11 mars, le premier endroit où je suis allé est Tchernobyl», explique à l'AFP Kansai Yamamoto.

«Je n'avais pas du tout l'expérience des radiations, c'est pour cela que je me suis rendu là-bas».

Plus que tout autre, ceux qui ont vécu le raz de marée de Sumatra fin 2004 ou l'accident à la centrale ukrainienne de Tchernobyl en 1986 peuvent éprouver de la compassion pour les sinistrés du Tohoku (nord-est de l'archipel), justifie M. Yamamoto.

Le 11 mars, cette vaste région du Japon fut violemment secouée par un tremblement de terre de magnitude 9 survenu au fond de l'Océan Pacifique, séisme qui déclencha un gigantesque raz de marée, des vagues de plus de 15 mètres de haut s'abattant sur des villes et villages côtiers totalement pris au dépourvu.

«Le pire n'est pas ici, Minami Soma, plus au sud, a davantage souffert»,  fait remarquer cependant une habitante de Soma.

Cette catastrophe, la plus terrible au Japon depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, fit environ 20 000 morts et disparus, principalement dans les préfectures de Miyagi (plus de 11 600), d'Iwate (6350) et de Fukushima (1850).

Soma, située à une quarantaine de kilomètres de la centrale Fukushima Daiichi (noyée par le tsunami et en proie à une crise nucléaire sans précédent), est une cité meurtrie par le drame et vivant dans l'angoisse des retombées radioactives, mais qui lutte pour se rétablir.

«Ce sont des bénévoles qui ont tout préparé pour cette commémoration, c'est une façon de prouver que lorsque tout le monde s'y met, tout est possible», souligne celui que l'on appelle Kansai-san.

«Construisons l'avenir: Soma», «Ne nous laissons pas abattre: Soma», hurlèrent les habitants, lorsque les lanternes achevèrent d'illuminer le ciel, sous des «arigato» (merci) incessants.

Non loin de là, sur le rivage, des maisons éventrées par le tsunami laissent encore, six mois plus tard, voir leurs entrailles. Un autobus a toujours le nez enfoncé dans la mer.