Ils élevaient des boeufs de première qualité à Iitate. Mais un an après la catastrophe nucléaire de Fukushima provoquée par un tsunami géant, le bourg autrefois prospère est devenu une ville fantôme irradiée dont les habitants ont abandonné tout espoir de retour.

Environ 6000 personnes ont fui cette communauté agricole située sur la côte nord-est du Japon, abandonnant derrière elles les maisons et les commerces qui faisaient vivre ce gros village.

Aujourd'hui, les boîtes aux lettres et les distributeurs de boissons sont cadenassés. Les rayons du supermarché sont vides et les ruelles qui autrefois résonnaient du meuglement du bétail ou du ronflement des tracteurs sont désertes.

Parfois le silence de cette bourgade recouverte de neige est déchiré par l'aboiement d'un chien errant ou par le passage d'une voiture de patrouille de la police à la recherche d'éventuels pilleurs.

Une faible partie seulement des habitants sont restés, parmi lesquels une centaine de pensionnaires d'une maison de retraite, trop âgés pour bouger. Des employés font chaque jour le trajet jusqu'au village pour s'occuper d'eux.

Iitate est situé juste à l'extérieur de la zone d'exclusion de 20 km décrétée autour de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi après que ses réacteurs eurent commencé à entrer en fusion et à rejeter des particules radioactives dans les heures qui ont suivi le passage du tsunami le 11 mars.

Mais les rejets toxiques dans l'air, l'eau et le sol ne se sont pas arrêtés à cette frontière fictive et la ville a dû à son tour être évacuée lorsque les scientifiques ont constaté qu'elle avait été gravement contaminée.

Les services administratifs ont été transférés dans une petite ville à 20 kilomètres de là et les villageois ont été dispersés, pour la plupart dans des maisons préfabriquées.

«Je sais que je vais mourir ici», confie à l'AFP Hatsui Akaishisawa, une agricultrice de 80 ans, relogée à Matsukawa, au centre de la préfecture de Fukushima, dans le plus grand complexe d'habitations temporaires destinées aux résidents d'Iitate.

«Bien sûr que j'ai envie de rentrer chez moi, mais ça ne rime à rien si je ne peux pas continuer à cultiver mon riz», dit-elle. «Je renonce à présent.»

Le bétail, dont la viande persillée arborait la marque prestigieuse de «boeuf d'Iitate», a disparu, bradé à bas prix ou encore abattu parce que ce produit autrefois prisé est devenu quasiment invendable.

«Même si on peut revenir là-bas, on n'élevera plus de vaches», regrette Masako Kobayashi, une agricultrice de 79 ans. «On ne peut pas leur donner une seule botte de paille à cause des radiations.»

Le gouvernement japonais a annoncé qu'à la fin du mois, il allait redessiner la zone d'évacuation autour de Fukushima pour prendre en compte les différents niveaux de contamination.

Iitate risque alors d'être découpé en plusieurs quartiers, certains jugés d'ores et déjà sains, d'autres nécessitant une décontamination et le reste étant zone interdite.

Le mois dernier, invité à un festival de musique à New York, le maire, Norio Kanno, a déclaré qu'Iitate était «encore une ville fantôme». Il s'est engagé à ce que tous les habitants puissent rentrer chez eux, mais beaucoup restent sceptiques.

«L'avenir d'Iitate n'est pas rose, mais plutôt problématique», estime Shigeru Hanai, un coiffeur de 50 ans, revenu temporairement dans son salon.

«Même si on nous dit ''Vous pouvez rentrer chez vous'', comment est-ce que je pourrai travailler sans clients?» demande-t-il.

Masami Sanpei, qui dirige la maison de retraite locale, a tenu à garder ouvert son établissement, pas simplement pour ses pensionnaires âgés, mais aussi pour offrir des emplois une fois que les restrictions seront levées.

«Le chemin vers la reprise est vraiment difficile», confie M. Sanpei. «Certains disent que le village donne seulement l'impression d'être mort, mais il l'est réellement», dit-il.

La situation à la centrale de Fukushima semble être sous contrôle désormais, mais le démantèlement de ses installations prendra au moins 40 ans.

Le retour à la normale dans les villes et villages même légèrement contaminés est très coûteux et compliqué, notamment à cause du sol pollué qu'il faut retirer mais dont on ne sait pas quoi faire.

Pourtant, certains croient encore à Iitate.

Mihori Takahashi, vendeuse de 30 ans, affirme vouloir revenir à tout prix dans son village, avec son mari.

«Les vieux villageois disent qu'ils veulent revenir y mourir. Mais moi je veux y retourner pour y vivre.»