Plus de trois jours après le drame qui a balayé Haïti, de nombreuses questions surgissent. État des choses.

Q Combien de victimes faut-il redouter?

R Jusqu'à maintenant, l'évaluation demeure très fragmentaire et hypothétique. Mercredi, sur les ondes de CNN, le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive, a dit craindre que la catastrophe ait fait plus de 100 000 morts. Hier, certains ont révisé ce nombre à la baisse. Un responsable de la Croix-Rouge haïtienne a estimé qu'entre 45 000 et 50 000 personnes auraient péri.

Q Quels sont les risques d'épidémies?

 

R «Je m'inquiète du risque d'effondrement d'autres édifices et de l'éclatement d'une épidémie», a déclaré mercredi le président haïtien, René Préval, sur les ondes de CNN. Au premier chef, une épidémie de choléra est à craindre. Le choléra est causé par la consommation d'eau et de nourriture contaminées, explique le Dr Réjean Thomas, fondateur et ex-président de Médecins du monde Canada. On peut le combattre en hydratant les gens, en les mettant sous perfusion. Aura-t-on rapidement des intraveineuses en quantité suffisante? Là est toute la question. Aussi à redouter dans cette catégorie: la typhoïde et les hépatites.

Q Les cadavres en eux-mêmes accroissent-ils les risques d'épidémies?

R Uniquement s'il s'en trouve dans des sources d'eau potable.

Q Quelles autres maladies doivent être redoutées?

R Rares sont les enfants, en Haïti, qui ont les vaccins de base. Aussi le Dr Réjean Thomas relève-t-il l'urgence de lancer des campagnes de vaccination. Il est très fréquent, notamment, de voir des épidémies de rougeole dans les camps de réfugiés. À noter aussi que des problèmes de santé anodins dans d'autres circonstances, de petites plaies, par exemple, ont tôt fait de dégénérer en graves infections lors de crises de cette ampleur.

Q Pendant combien de temps peut-on espérer retrouver des survivants?

R Tout dépend de l'état de santé des personnes avant le séisme. En soins palliatifs, il n'est pas rare de voir des personnes mourantes qui ne se nourrissent plus et qui ne boivent pas vivre une semaine et même plus longtemps.

Q L'aide arrive-t-elle? Qu'en est-il de l'aéroport, du port?

R La tour de contrôle de l'aéroport est hors d'usage. Les avions doivent atterrir à vue. Le gouvernement haïtien a dû demander hier à l'autorité américaine de l'aviation civile de ne plus accepter de vols parce que l'espace aérien haïtien est saturé. En après-midi hier, un avion militaire américain et dix appareils civils tournaient au-dessus de Port-au-Prince en attendant que d'autres avions quittent l'aéroport pour pouvoir s'y poser. Les Américains ont pris en charge la sécurité de l'aéroport. Un porte-avions nucléaire américain est attendu. Des équipes s'affaireront bientôt à réparer le port, hors d'usage pour l'instant. Royal Caribbean a annoncé que ses bateaux de croisière feront des escales dans les prochains jours en Haïti et livreront du matériel. Ils s'arrêteront dans le port de Labadie, sur la côte nord du pays. Les premiers navires feront escale en fin de semaine ainsi que lundi et mardi.

Q Concrètement, peut-on chiffrer les besoins alimentaires?

R Hier, par exemple, la Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé l'envoi de 86 tonnes de vivres pouvant nourrir 30 000 personnes durant une semaine. En appliquant une règle de trois, cela signifie qu'il faut 2866,7 tonnes de vivres par semaine pour nourrir 1 million de gens.

Q À combien se chiffre l'aide internationale?

R Les États-Unis ont annoncé une aide initiale de 100 millions de dollars et l'envoi de plus de 3000 soldats et marines. Le Canada débloque 5 millions de dollars et doublera les dons de charité de ses citoyens jusqu'à hauteur de 50 millions. Le Canada envoie deux navires, des hélicoptères, des avions et une équipe de secouristes. La Banque mondiale et le Fonds monétaire offrent chacun 100 millions. L'Australie promet 9,3 millions de dollars et quantité de pays annoncent des millions de dollars et l'envoi de militaires, de secouristes, d'experts en infrastructures, de matériel pour traiter l'eau.

Q Des immeubles gouvernementaux sont détruits. Le gouvernement haïtien est-il toujours en mesure d'agir?

R On a peu de nouvelles du gouvernement. Entendre le président René Préval dire humblement en entrevue qu'il ne sait pas où il ira coucher donne une idée de l'ampleur de la désorganisation. Selon le jésuite François Kawas, qui se trouve à Port-au-Prince, le gouvernement a formé une cellule de crise, mais l'action se fait attendre.

Q Qu'est-ce que cet hôpital gonflable de Médecins sans frontières dont on entend parler?

R Il s'agit du même type de structure qui a été déployé au Pakistan en 2005 ainsi qu'au Sri Lanka et à Gaza en 2009. Il comprend deux blocs opératoires complets et une centaine de lits. La totalité de la structure est espérée à Haïti en soirée, aujourd'hui.

Q Pendant combien de temps les Haïtiens subiront-ils les répliques du tremblement de terre?

R Il peut y avoir des secousses secondaires pendant plusieurs semaines, a relevé cette semaine Fiona Ann Darbyshire, professeure au département de la Terre et de l'atmosphère de l'UQAM. Dans les premiers jours, on a enregistré des répliques qui atteignaient jusqu'à 5,9 à l'échelle Richter. Les Haïtiens dorment donc à la belle étoile.

Q Qu'en est-il des communications?

R Plusieurs réseaux de lignes téléphoniques ont été coupés, de sorte que ce type de communication demeure très difficile. Par contre, le réseau internet fonctionne. En entrevue au quotidien français Le Monde, Leslie Daigle, responsable du bureau «technologie internet» à l'Internet Society, a expliqué que les connexions internet sont préservées parce qu'elles utilisent les micro-ondes. «L'essentiel des connexions au réseau se fait par les réseaux de téléphonie mobile, qui fonctionnent encore partiellement», dit-elle. De plus, la configuration de la grande Toile fait en sorte que, lorsqu'une partie du réseau ne fonctionne pas, le problème est détecté et le trafic est redirigé. Un seul des fournisseurs internet haïtiens est complètement déconnecté. Les autres fonctionnent correctement ou en partie.

Q Donner, mais à qui? À quel organisme?

R Plusieurs organismes collectent des dons. Parmi eux, mentionnons la Croix-Rouge, le Centre d'étude et de coopération internationale (CECI), Médecins du monde Canada, Oxfam, UNICEF, etc. Hier, le gouvernement fédéral a recommandé aux Canadiens de choisir avec prudence les organismes à qui faire un don. Selon le ministre fédéral du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, certains profitent déjà de la situation pour soutirer frauduleusement de l'argent. Le ministre recommande de consulter le site internet de l'Agence du revenu du Canada (www.cra-arc.gc.ca) pour s'assurer de la légitimité des organismes.